Le tribunal de Paris a interdit, mercredi 5 septembre, au moteur de recherche d’annonces d’emploi Keljob de référencer les fiches du site Cadremploi. Keljob a été condamné à payer 1 million de francs de dommages et intérêts.
Droit des bases de données, contrefaçon de marque et liens "profonds". Tels étaient les terrains juridiques sur lesquels l’avocate du site d’annonces Cadremploi avait orienté sa plaidoirie contre Keljob.com. Heureusement pour le Net, la troisième chambre civile du tribunal de Paris ne lui a pas donné raison sur le dernier argument. Le juge a condamné, mercredi 5 septembre, Keljob.com, moteur de recherche d’annonces d’emploi, pour "atteinte à la base de données" de Cadremploi , "contrefaçon de marque" et "atteinte à la dénomination sociale" de la société. Keljob devra cesser de référencer les annonces de Cadremploi et lui verser 900 000 francs de dommages et intérêts, plus 100 000 francs de frais de justice. C’est la troisième décision dans une affaire qui avait vu Keljob perdre en référé, puis gagner en appel. Cette fois-ci le cas était jugé "au fond".
Fins commerciales
Le premier élément du litige concernait la reproduction de la marque. Keljob ayant reproduit le nom de Cadremploi dans ses plaquettes publicitaires et sur son site, le tribunal a estimé que cette mention n’était pas faite dans un but d’information, mais à des fins commerciales, "dans le cadre d’une activité de recensement et de sélection d’offres d’emploi directement concurrente de celle exercée par le plaignant". La question suivante portait sur la base de données de Cadremploi. Keljob, qui se défendait de l’avoir "téléchargée", interrogeait tous les soirs, et de façon automatisée, le site concurrent et affichait le résumé des annonces sur son site, l’internaute devant aller chez Cadremploi pour avoir l’information complète. L’expertise soumise au tribunal par Cadremploi a établi qu’en moyenne, un tiers des offres se trouvait référencé chez Keljob.
Détournement de la base
Le juge a estimé que les informations reprises - secteur d’activité, intitulé de l’offre, zone géographique et date de publication - constituaient des "éléments essentiels [...] qui font la valeur de la base de Cadremploi". "Si aucune offre ne l’intéresse, l’internaute ne consulte pas le site Cadremploi dont la base de données a néanmoins été utilisée", a diagnostiqué le tribunal. Une base de données qui, rappelle-t-il, bénéficie d’une protection lorsqu’elle a fait l’objet "d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel". En l’occurrence, Cadremploi y aurait consacré 53 millions de francs depuis 1991.
Pas de risques de confusion
Le jugement rappelle enfin que "Cadremploi dénonce, au titre de la concurrence déloyale, la mise en place des liens hypertextes dits "profonds"". L’avocate du plaignant avait estimé que ces liens pointant vers des pages secondaires étaient "prohibés dans la mesure où ils dénaturent et détournent le contenu du site et portent atteinte à son intégrité". Le tribunal a rejeté cette conception, jugeant qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les deux sites, notamment parce qu’une fenêtre intermédiaire indiquait la redirection vers un site extérieur. Et que l’internaute parvenu sur Cadremploi.fr pouvait ensuite y naviguer selon son bon plaisir. Le plaignant "ne caractérise pas en quoi le contenu serait dénaturé", conclut le jugement.
Keljob a un mois pour cesser de pointer vers les offres de Cadremploi et devra publier la condamnation sur son site et dans trois journaux. La société paiera aussi 10 000 francs de dommages et intérêts à son hébergeur, la société Colt Télécommunications, qui avait été assignée par Cadremploi. Un prestataire, qui, précise le jugement, "devra s’assurer du respect par Keljob des mesures prononcées".