Washington aurait formé des centaines de tortionnaires sud-américains grâce à cette école militaire
Près de 10 000 personnes se sont rassemblées au cours du week-end autour du fort Benning, en Géorgie, devant les grilles de l’Ecole des Amériques pour réclamer la fermeture de cette école militaire fondée par les Etats-Unis en 1946 et soupçonnée d’avoir formé des centaines de tortionnaires sud-américains. Depuis 14 ans qu’elle organise ses rassemblements de protestation devant le fort Benning, l’ONG School of Americas Watch (SOA Watch) n’avait jamais rencontré un tel succès. Il semble qu’une partie importante des manifestants ont fait la route depuis Miami, après une semaine d’actions contre les négociations du futur espace de libre échange pan-américain, la Zone de libre échange des Amériques (ZLEA).
Pendant toute la journée de samedi, le commandant du fort Benning a fait diffuser, l’hymne nationale américaine, des chants patriotiques et marches militaires, via de gros haut-parleurs, afin de tenter de décourager les manifestants. SOA Watch rappelle que cette tactique a été utilisée par les soldats de Tsahal lors du siège de l’église de la nativité à Bethléem en 2002, ainsi que par l’armée américaine en 1989, pendant le siège du bunker du général Manuel Noriega, ex-dictateur du Panama et par ailleurs ancien élève de la SOA.
Plus d’une trentaine de manifestants ont été interpellés par la police de Géorgie, alors qu’ils tentaient de pénétrer à l’intérieur du Fort Benning. 84 personnes avaient été arrêtées l’an dernier, parmi lesquelles figuraient plusieurs religieuses âgées venues d’Amérique Latine.
Kathy Kelly, l’une des manifestantes interpellées dimanche, déclare à un représentant de SOA Watch : "La prison ne nous découragera pas. Nous voulons que cette école soit fermée et que change la politique étrangère que cette école représente."
Cette 14e manifestation annuelle organisée par SOA Watch marque l’anniversaire de l’assassinat de six prêtres jésuites au Salvador, assassinat perpétré par plusieurs anciens élèves de la SOA.
Selon SOA Watch, 170 personnes ont été condamnées, depuis le premier rassemblement organisé par l’ONG en 1991, à des peines allant jusqu’à 6 mois d’emprisonnement pour avoir manifesté devant le fort Benning.
La "School of the Americas" a formé 60 000 militaires sud-américains depuis sa création en 1946. Son but officiel : apprendre à ces militaires "comment tenir leur rôle au sein d’un gouvernement démocratrique."
Rebaptisée en 2001 par le Congrès "Western institute for security cooperation", la SOA aurait réorienté son programme. Elle se concentrerait moins sur les techniques militaires et plus sur le rôle des soldats dans la défense des droits de l’homme.
Face aux manifestants, le commandant du fort Benning, le colonel Richard Downie a fait part aux journalistes présent de sa "frustration à voir que ces gens veulent fermer une institution qui ?uvre pour les mêmes principes qu’eux".
Manuels de torture
SOA Watch présente un portrait moins idyllique de l’école militaire chargée de former des cadres militaires des gouvernements alliés des Etats-Unis en Amérique Latine.
Pour le conseiller juridique de l’association, Bill Quigley, l’évolution de l’école militaire, décidée par l’ancien président Clinton, n’est que "cosmétique". Ce professeur de droit affirme que l’enseignement des tactiques anti-insurrectionnelles continue à dominer le programme de la SOA.
Bill Quiqley affirme : "Des liens ont pu être établis entre la SOA et plusieurs dictateurs sud-américain, notamment Noriega et Pinochet. Elle a formé des militaires responsables de milliers de meurtres et d’actes de torture.
En 1996, plusieurs manuels d’entraînement des élèves de la SOA ont été rendu public dans la presse américaines. Y figuraient toutes sortes de techniques d’interrogatoire : torture, meurtre et kidnapping de proches, etc.
L’affluence sans précédent qu’a connue la manifestation annuelle organisée par SOA Watch doit beaucoup à l’arrivée de militants altermondialistes venus de la semaine d’actions contre les négociations, menée à Miami, dans le cadre du futur espace de libre échange pan-américain.
La Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) devrait être une extension aux pays d’Amérique du Sud de l’actuel Accord de libre-échange Nord-Américain (Alena), qui réunit les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
Pour le révérend Roy Bourgeois, fondateur de SOA Watch, "Les manifestations contre Bush à Londres, celles contre la ZLEA à Miami ou contre la SOA ici, en Géorgie, sont liées entre elles. La politique étrangère américaine sert les intérêts de quelques-uns, tout en nous fabriquant beaucoup d’ennemis"
SOA Watch, la coalition pacifiste britannique et les organisateurs de la mobilisation contre la ZLEA ont publié la semaine dernière un manifeste commun d’après lequel "la politique actuelle (des gouvernements américains et britannique) n’apporte pas plus la sécurité que leur politique économique apporte la prospérité".