Les moteurs de recherche d’emploi Keljob et Cadremploi se sont expliqués, mardi 5 juin, devant le tribunal de Paris. Le 25 mai dernier, Keljob avait gagné en appel d’un référé pour la même affaire.
Keljob avait-il le droit de diriger les internautes vers les annonces diffusées par Cadremploi ? Non, avait dit le juge des référés de Paris le 8 janvier dernier. Oui, avait rectifié la Cour d’appel le 25 mai. Selon elle, Keljob n’avait pas enfreint les règles concernant la protection des bases de données en affichant sur son site des liens revoyant aux offres d’emploi de la seconde société.
Rien, pourtant, n’est encore joué dans cette affaire puisque, mardi 5 juin, la procédure entamait un second tour de piste : après le jugement en urgence et son appel, le vrai procès "au fond", s’est tenu devant la 3e chambre du tribunal de grande instance de Paris.
Interrogations ponctuelles
Cadremploi reproche à Keljob de reproduire "purement et simplement par téléchargement massif" ses propres offres d’emplois. Ses griefs : contrefaçon, extraction et reproduction de base de données, concurrence déloyale et actes de piratage. Pour la Cour d’appel, l’action engagée par la société Cadremploi à l’encontre de la société Keljob ne peut se prévaloir du code de la propriété Intellectuelle. Selon elle, Keljob est "seulement un moteur de recherche sur Internet : la société "ne télécharge pas la base de données de Cadremploi, mais procède seulement à des interrogations ponctuelles sur le site (...)". Enfin, comme Keljob ne publie aucune offre d’emploi complète, mais seulement des références à ces offres, elle ne fait pas diverger les internautes de la visite du site d’origine s’ils souhaitent plus de détails.
Reproduction non substantielle
Devant le juge du fond, les avocats des deux sociétés ont tenu à rappeler que le jugement de la cour d’appel en référé ne lie pas le magistrat. Sans pour autant s’empêcher d’en faire la critique (Cadremploi) ou l’éloge (Keljob). Axant davantage sa défense sur le préjudice commercial subi que sur les atteintes au droit, l’avocate de Cadremploi, Claire Wartel-Severac, s’est efforcée de démontrer en quoi Keljob se rendait coupable de contrefaçon de marque et de piratage de la base de donnée. Selon elle, le fait que Keljob utilise comme argument de vente le référencement des annonces Cadremploi constitue une utilisation de la marque. En second lieu, l’avocate considère que les URL récupérées par les robots de Keljob et rapatriées sur son site constituent "un élément fondamental" des offres de Cadremploi. Les afficher constituerait une utilisation abusive de la base de données. Chargé de défendre le moteur de recherche, Michel Laval a repris le propos de la Cour d’appel : Keljob ne procède pas à des téléchargements et se trouve protégé par le code de la propriété intellectuelle qui autorise la reproduction "non-substantielle d’une base de données". Quant à la mention du terme "cadremploi", permettant de diriger l’internaute vers le site d’offres, elle ne peut être considérée selon lui comme une atteinte à la marque.
Balayant rapidement l’accusation peu sérieuse de "piratage de logiciel", introduite par Cadremploi dans le jugement du fond, l’avocat de Keljob a tenu à répondre du grief de concurrence déloyale. Selon la partie adverse, en effet, "Keljob a assis sa notoriété en évitant aux internautes d’aller sur le site de Cadremploi pour effectuer leur recherche. Ensuite, elle est allé démarcher directement les clients de la société". Claire Wartel-Severac estime que Keljob s’est livré à une "perversion de la navigation" et à un détournement de trafic en utilisant des "liens profonds au lieu de liens simples", renvoyant vers la page d’accueil. Pour son contradicteur Michel Laval, ces arguments ne tiennent pas. Les internautes, étant systématiquement renvoyés sur Cadremploi s’ils veulent lire l’intégralité des offres, augmentent son audience. Selon lui, les sociétés ne sauraient être concurrentes puisque l’une est un site d’offres d’emploi et l’autre "un site de recherches d’offres d’emploi".
Le point de vue retenu par la cour d’appel le 25 mai est une bonne nouvelle, face à une approche saugrenue des liens hypertextes qui les a divisés en "liens simples" et "liens profonds". Si le juge du fond conserve la même approche, il donnerait une certaine légitimité à "l’agrégation de contenu". Jugement le 5 septembre.