La technologie de compression audio et vidéo d’i2bp ne souffre en apparence d’aucun défaut. Adaptée à tous les supports, des mobiles GSM et GPRS à l’Internet haut-débit, elle semble fiable et offre une qualité étonnante. Où est le piège ?
Pour passer de la vidéo sur Internet, sur les PDA communicants et bientôt sur les téléphones mobiles de nouvelle génération (GPRS cette année et UMTS par la suite), les développeurs doivent faire des choix, car la bande passante n’est pas extensible. Ils peuvent se contenter de proposer la vidéo en téléchargement (download), mais l’utilisateur trouvera l’opération longue et frustrante. Ils peuvent aussi diffuser la séquence vidéo immédiatement, en streaming, mais la qualité est alors médiocre : la fenêtre d’affichage est petite, le rafraîchissement des images faible (quelques images par seconde quand tout va bien) et les effets de buffering (mise en mémoire tampon) peuvent perturber la diffusion... Pour corser l’équation, la compression vidéo ne doit pas être trop gourmande en calculs, car le processeur embarqué sur le PDA ou le téléphone portable ne serait pas à la hauteur.
Démonstration bluffante
Les dirigeants d’i2bp affirment avoir résolu l’équation haut la main. Ils affirment que leur système de compression vidéo, proche du MPEG-2 - ils ont abandonné la piste MPEG-4, trop gourmande en calculs pour une qualité médiocre - ne nécessite aucun compromis. Dans chaque catégorie, que ce soit sur Internet avec un modem 28 k, 33 k, 56 k ou l’ADSL, par câble, par satellite ou sur les futurs téléphones GPRS et UMTS, leur format propriétaire disent-ils, surclasse tous les formats existants en streaming. Pour de la vidéo en 320 x 240, il suffit de 4 kilo-octets par seconde (ko/s) pour une qualité proche de celle du VHS, là où les encodeurs courants nécessitent un débit trois fois supérieur pour une qualité d’affichage très basse. Le même débit (4 ko/s) permettrait de passer de la vidéo sur les portables GPRS. Et à 56 ko/s, via le câble ou le satellite, c’est la qualité DVD qui est proposée. À bas débit, sur GSM, la technologie permet de diffuser un extrait sonore "audible" à seulement 1 kilo-bits par seconde...
Qualité garantie
La démonstration réalisée pour Transfert sur un PC de bureau par Marc-Eric Gervais, le patron d’i2bp, consiste à télécharger une série de fichiers sur le serveur de l’Atelier de l’innovation, l’incubateur qui accueille la société. La qualité est vraiment étonnante, qu’il s’agisse de l’image ou du son. Il est inutile de télécharger un player au préalable pour que la vidéo se déclenche. Le fichier cible de type exécutable (d’extension .exe) inclut à la fois le player, le décodeur et la vidéo encodée. Entre le clic et le démarrage de la vidéo, il faut juste attendre une ou deux secondes. Mais il s’agit cependant d’une démonstration sur le matériel de la société. Comme il était impossible de tester nous-mêmes sur le matériel de Transfert – pour des raisons de confidentialité – il peut subsister un doute (la capacité de calcul n’est-elle pas gonflée ? La démonstration serait-elle aussi probante sur un PDA ? Le débit est-il bien celui qui est affiché ? L’encodage n’a-t-il pas été optimisé pour quelques vidéos seulement ? etc.) On est obligé de croire sur parole à l’honnêteté du test... Marc-Eric Gervais, qui dirige l’équipe, insiste. "C’est du vrai streaming, dit-il, pas du download progressif. Et c’est très important, car malgré ce qu’on nous a annoncé, il n’est pas possible de réserver de la bande passante sur Internet, c’est une escroquerie. Même dans ces conditions, nous garantissons la qualité de la diffusion."
La concurrence déjà lancée
Comment fonctionne la compression vidéo d’i2bp ? On ne le saura pas. L’algorithme de compression est un secret jalousement gardé, dont Marc-Eric Gervais est particulièrement fier : "Nous avons un standard qui va devenir la norme. En face de nous il y a le MIT (Massachussets institute of technology de Boston), Berkeley, France Télécom. Mais ils ne savent pas faire ce que nous faisons." Il y a même plus que ces trois-là, et certains concurrents ont déjà passé des accords avec les opérateurs de téléphonie et les équipementiers. Packet Video avec Motorola par exemple, en privilégiant le standard MPEG-4 plutôt que la qualité d’affichage. La société israélienne Geo collabore, par ailleurs, avec Ericsson, Samsung ou Nokia pour intégrer sa solution matérielle Emblaze de décodage MPEG-4 sur certains mobiles. Real Networks, le géant du download et du streaming audio et vidéo sur le Web, a également signé des accords de développement avec Nokia. La société new-yorkaise On2 tente, quant à elle, d’imposer sa solution de codage vidéo pour l’Internet à haut débit. Elle a notamment annoncé des essais avec la société française Noos. I2BP doit donc s’imposer sur un marché très encombré. I2bp, nous l’avons dit, est à vendre. Les candidats, paraît-il nombreux, auraient également suspecté la tricherie, affirme Marc-Eric Gervais, tant ils étaient eux aussi impressionnés par ce qu’ils ont vu.