P-E. Rastoin

Depuis septembre 2000, N2H2, l’un des leaders du logiciel de filtrage, s’est lancé dans la commercialisation des données collectées auprès des jeunes internautes américains. Comment ? Grâce aux filtres installés dans les écoles ! Âge, origine ethnique, lieu de résidence, sites visités : tout est synthétisé sous forme de rapports mensuels à 10 000 dollars par an. Basée à Seattle, cette société serait la première à exploiter le filon. Les données vendues pourraient rapidement rencontrer une forte demande, et ce dans le monde entier. N2H2 annonce que son filtre, baptisé "Bess", est déjà en place dans "40% des écoles publiques américaines". La firme revendique 16 millions d’utilisateurs et un réseau de 1 900 serveurs basés dans onze pays, dont la France. "Class Clicks", le système chargé d’agréger les données recueillies par Bess, range automatiquement les sites visités dans une quarantaine de catégories (e-commerce, sites d’enchères, etc.) et fournit des informations précises sur les heures de visites et sur le temps passé sur chaque page web.

Données anonymes

Roper Starch est la société chargée par N2H2 de commercialiser Class Clicks. Dans un article publié par le journal en ligne américain Newsfactor.com, le vice-président de Roper Starch, Bob Pares, affirme que les informations publiées ont "un caractère général" et ne "permettent pas d’identifier des individus". Car la loi américaine interdit la commercialisation de données personnelles, a fortiori lorsque des mineurs sont concernés. Bob Pares garantit les bonnes intentions de sa société : "Notre cible principale, ce sont les sites de e-learning [éducation et formation en ligne, NDLR]. En vendant des données précises sur les pratiques des écoliers internautes, nous favorisons le développement d’une éducation meilleure." Rien n’oblige à le croire. Les filtres d’Internet sont une source de renseignements d’autant plus précieuse que le Congrès américain vient d’en rendre l’usage obligatoire dans toutes les écoles et les bibliothèques qui bénéficient de subventions fédérales. Le succès des filtres, encore mitigé en Europe, est total aux ...tats-Unis. Outre-Atlantique, le problème de censure que pose ce type d’instruments est subsidiaire : il s’agit avant tout de protéger les têtes blondes des contenus "inappropriés" d’Internet (sites pornographiques, racistes, etc.). Pourtant, l’expérience prouve que les logiciels de filtrage fonctionnent mal, et bloquent aussi de nombreux sites dont le caractère "inapproprié" est loin d’être évident.