Un rapport sur le Congrès américain met en lumière l’engorgement des messageries électroniques. Et en France, l’Assemblée nationale française commence à ressentir les effets du clic à gogo...
Julien Chambaud |
Les membres du Congrès américain (Chambre des représentants et Sénat) seraient noyés sous une masse considérable de courriers électroniques. C’est ce que révèle une étude publiée lundi 19 mars par le Congressional Management Foundation et l’université George Washington. L’année dernière, les parlementaires américains auraient reçu quelque 80 millions d’e-mails. Contre 20 millions en 1998. Principales responsables de l’explosion des boîtes aux lettres électroniques, selon l’étude : les multiples actions de lobbying menées par des groupes de pressions.
Spamming turc
En France, ce type de mobilisation est également monnaie courante. À un niveau moindre. "L’essentiel de ce type de messages est encore envoyé par courrier postal. Ce sont souvent des cartes postales distribuées massivement dans la rue que les militants renvoient à l’Assemblée nationale", souligne Sophie Léron, assistante parlementaire de Patrick Bloche, député PS et président du groupe d’études sur les NTIC au Parlement. "Il existe en effet des pics en fonction de l’actualité parlementaire. Il y a eu notamment une campagne internationale au moment de la reconnaissance officielle [le 18 janvier dernier, NDRL] du génocide arménien par l’Assemblée nationale", poursuit l’assistante parlementaire. Le quotidien turc Mi’lli’yet s’était d’ailleurs empressé de publier une liste de 22 noms d’élus, ministres, patrons de journaux, institutions, accompagnés de leurs adresses électroniques et de leurs numéros de fax pour que les lecteurs leur fassent part de leur mécontentement. Maude Lelièvre, assistante parlementaire d’André Aschieri, député vert et auteur de la première proposition sur la reconnaissance du génocide arménien, témoigne de l’ampleur des dégâts. "Du 21 au 28 décembre, André Aschieri a reçu 3 500 mails. Des messages types en turc ou en anglais provenant pour la plupart de boîte d’envoi automatique." Résultat : la plupart des boîtes ont explosé sous le choc. Et les techniciens de l’Assemblée ont même dû mettre en place des solutions de filtrage pour contourner le spamming turc.
Menaces de mort
Selon Bruno Vieillefosse, le responsable de la division de l’information multimédia de l’Assemblée nationale, les députés du Palais-Bourbon ont reçu environ cinq millions de mails pour l’année 2000. Soit une moyenne de 400 000 par mois. En réalité, le chiffre serait bien plus élevé, car certains parlementaires disposent d’adresses électroniques qui ne sont pas gérées par le serveur de l’Assemblée. Quatre millions de mails ont été envoyés par les députés du Palais-Bourbon. Impossible toutefois de mesurer le taux de réponse. Selon André Santini, député maire (UDF) d’Issy-les-Moulineaux, "il est indispensable pour un député ou un maire de disposer d’une adresse électronique. Beaucoup de gens qui m’envoient des messages électroniques ne m’auraient jamais écrit par voie postale". L’usage du mail nécessitant moins de formalités. Les dérives sont parfois franchement inquiétantes. "Au moment du projet de loi sur les pitbulls, j’ai reçu des menaces de mort par mail", se souvient André Santini. L’affaire avait débouché sur une condamnation en justice.
Le rapport américain note un autre phénomène inquiétant : "au lieu de renforcer la démocratie (...), l’e-mail a exacerbé les tensions et la méfiance de l’opinion publique vis-à-vis du Congrès". La raison : un nombre croissant de citoyens sont de plus en plus mécontents du manque d’empressement de leurs élus à répondre. "Il vrai que l’envoi d’un message électronique appelle, dans l’esprit de l’expéditeur, une réponse rapide", admet André Santini. À l’Assemblée nationale, ce sont les attachés parlementaires qui font face à la déferlante des mails...