Le cataclysme financier qui se prépare dans le monde des télécoms européens, "rançonnés" par l’UMTS, va aboutir à une concentration du secteur.
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Les opérateurs de téléphonie mobile le clament sur tous les tons : le prix des licences UMTS serait exorbitant au point de mettre en danger leur santé financière. Selon le e-zine Total Tele.Com, avec le prix payé par l’opérateur historique BT pour sa licence UMTS au Royaume-Uni, on aurait raccordé tous les foyers britanniques avec de la fibre optique. Ce n’est pourtant pas le souci majeur du milieu : la note est écrite noire sur blanc, les emprunts sont chiffrés. Les banques savent donc à quoi s’attendre.
L’ardoise non-chiffrée des réseaux
En revanche, l’ardoise des infrastructures de réseau est encore inconnue. On parle généralement d’un doublement du coût de la licence pour la France. L’institut Forrester Research table sur une addition de 10 milliards d’euros en moyenne pour les opérateurs présents dans les grands pays européens. "Par exemple, France Télécom peut s’attendre à une dépense de 11,25 milliards d’euros (73,5 milliards de francs) au total en France : 4,95 milliards d’euros dans la licence (32,5 milliards de francs), 5 milliards d’euros (33 milliards de francs) pour la construction du réseau, et 1,25 milliard d’euros(8 milliards de francs) pour le marketing." Encore plus pessimiste, Bruno Salgues, chercheur à l’Institut national des télécommunications, estime que France Télécom devra commettre de nouveaux emprunts pour investir finalement 100 milliards de francs dans l’UMTS.
Au contraire, prétend Luc Jeunhomme, ingénieur-conseil spécialiste des télécoms chez BNP-Paribas, les chiffres ont été gonflés. Il faudra moins d’une trentaine de milliards de francs pour déployer les réseaux UMTS. Les dépenses seront plutôt de l’ordre de 20 milliards de francs, comme pour le GSM. " Il est difficile de calculer les sommes à investir, car les opérateurs n’ont pas tous le même parc d’abonnés. Mais ceux qui ont déjà un réseau mobile pourront réutiliser une grande partie des emplacements antennes. " Ça tombe bien, le dernier candidat sans expérience GSM vient de se retirer de la course...
On peut objecter à ces arguments lénifiants que les besoins en infrastructure pour la 3G ont sans doute été sous-estimés. C’est du moins la conclusion à laquelle est parvenue la société de conseil britannique Quotient Communications, expert UMTS auprès du gouvernement de Tony Blair. Les opérateurs qui ont prévu de conserver le même nombre de relais que pour le GSM pourraient avoir à doubler ces infrastructures. Et encore cela ne suffira-t-il qu’à assurer le trafic de la voix et d’un Internet privé de courrier électronique et de vidéo.
Dette et prêts
Quel que soit le coût final de l’affaire UMTS pour les opérateurs, l’incertitude actuelle inquiète les banques et les marchés qui financent leurs investissements dans la 3G. L’affaire s’ajoute à une série d’acquisitions en 1999-2000, lorsque les monopoles historiques se sont diversifiés sur Internet en rachetant une moisson de start-ups : contenus, technologies, portails. Une première vague de concentration avait alors déferlé sur les télécoms. Vodafone sortait du néant et s’érigeait en groupe plurinational. France Telecom, Deutsche Telekom et Telefónica devenaient paneuropéens. Aux ...tats-Unis WorldCom se mariait avec MCI, tandis que les Baby Bells se regroupaient.
Ces grandes manœuvres ont coûté cher aux opérateurs. Pour racheter l’opérateur mobile Orange à Vodafone, France Telecom a dû débourser 145 milliards de francs en cash. Selon Capital Data, cité par The Standard Europe, " les groupes de télécoms ont émis 113 milliards d’euros (742 milliards de francs) d’obligations en 2000, presque 50 % de plus qu’en 19999. En plus des emprunts obligataires, les groupes de télécoms ont aussi levé 225 milliards d’euros (1 478 milliards de francs) en prêts auprès de banques en syndication, presque la moitié du volume total de ce type de prêts en Europe. Et les emprunts ne vont pas cesser après la vente des licences. Quelque 100 milliards d’euros (657 milliards de francs) de dette à court terme dans les télécoms devront être refinancés en 2001, et 27 milliards d’euros (177 milliards de francs) d’obligations arriveront à terme. "