Quatre mois de prison avec sursis et 20 000 F d’amende pour avoir proposé sur un site perso des liens pour télécharger gratuitement du MP3. C’est la sanction infligée par un tribunal à un internaute français.
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Lire l’interview de Stéphane C. "Je ne suis pas un pirate"
L’essence même de la Toile, le lien hypertexte, est en péril. Attaqué de toute part par les défenseurs des droits d’auteur. Mardi 24 octobre, au tribunal correctionnel d’...pinal, un jeune homme de 26 ans, Stéphane C., a écopé de quatre mois de prison avec sursis et de 20 000 F d’amende. Motif : son site perso, hébergé chez Tripod, proposait des liens pour télécharger gratuitement du MP3. Sans en avoir demandé l’autorisation aux ayants droit de l’œuvre musicale (auteurs, producteurs). Une soixantaine de titres y figuraient : des morceaux de Madonna, Pascal Obispo, Axelle Red, Céline Dion, Lou Bega, etc. Bref, rien que du très commercial. La SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) qui regroupe des producteurs indépendants et des majors (BMG, EMI, Virgin, Universal, etc.) décide de poursuivre pénalement l’auteur du site. "Nous avons envoyé à l’auteur du site des mails à caractère préventif en rappelant la législation en matière de propriété intellectuelle", souligne Laurence Marcos, responsable du bureau anti-piraterie à la SCPP. Face aux menaces, le jeune homme ferme son site avant de le réouvrir chez un hébergeur différent basé à l’étranger.
Le lien hypertexte en accusation
Nouveaux mails de la SCPP et le site change une nouvelle fois de localisation. Au total, trois hébergeurs vont accueillir le site de Stéphane C.. L’enquête menée par la police judiciaire, avec perquisition et saisie du matériel informatique à la clef, a démontré qu’aucun fichier MP3 mis en cause n’était stocké sur le site de l’internaute. Qu’importe, le juge Christian Chazel estime que dans cette affaire "l’auteur d’un lien permettant de télécharger un contenu illégal est condamnable au même titre que celui qui stocke le contenu". C’est le nœud du problème. Le jeune est condamné pour avoir "mis à la disposition du public" des morceaux piratés via des liens, sans toutefois les approvisionner... Le code de la propriété intellectuelle stipule que "l’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou la communication au public de son phonogramme".
Intransigeance et appréhension très personnelle de la technique...
En cas d’infraction, les fautifs encourent une peine maximale de deux ans de prison et jusqu’à un million de francs d’amende. La démarche de la SCPP est limpide : "Il s’agit de clarifier les choses : les sites de liens MP3 constituent une activité illicite. Dans certains cas, rappelez la loi ne suffit pas, il faut aussi l’appliquer", explique Laurence Marcos. Stéphane C. a également été condamné à une publication du jugement dans la presse régionale et sur la Toile. Histoire que le message passe. Depuis le mois de février 1999, la cellule de lutte contre la contrefaçon sur Internet de la SCPP a réussi, par ses mails de rappel à l’ordre, à faire fermer 400 sites de MP3. Désormais, les défenseurs des doits d’auteur disposent d’une jurisprudence française - c’est la deuxième décision du genre - renforcée pour encadrer une politique répressive. "Nous nous félicitons de cette décision. Il faut rendre hommage aux juridictions françaises", explique l’avocat de la SCPP, Maître Ravinetti. Le reste du discours est bien huilé, mettant en avant les dangers du piratage sur le Réseau susceptible de "mettre à terre l’industrie du disque ". Et pointant les sources de profit développées par les sites pirates, via les bannières publicitaires. "Mon client touchait 50 F par an sur sa bannière publicitaire", assure Maître Marie Bacher, l’avocate de Stéphane C.. "La seule façon de stopper l’hémorragie, ce sont les actions pénales. Il faut miser sur l’exemplarité", conclut Maître Ravinetti. Une exemplarité qui pourrait même menacer certains moteurs de recherche... En Suède, Lycos est actuellement poursuivi par l’IFPI (Fédération internationale de l’industrie phonographique) pour son moteur de recherche consacré à la recherche de MP3.
En attendant, Stéphane C. gagne 5 800 F par mois et devra verser à la SCPP 20 000 F de dommages et intérêts. Le salaire du jeune homme est ridicule comparé aux gains des artistes et que ce jeune homme puisse "ruiner" des chanteurs comme Pascal Obispo ou Madonna semble bien improbable - même s’il n’est pas seul à réaliser ce genre de sites. Quant à la "piraterie" sur le Web, elle est encore loin de représenter les gains générés par les CD pirates vendus en Asie...
Société civile des producteurs phonographiques:
http://www.scpp.fr