"C’est une victoire pour la liberté d’expression " : ainsi l’ Electronic Frontier Foundation (association de défense de la liberté d’expression) célèbre-t-elle la victoire d’Al Giordano. Celle de ce journaliste américain émigré au Mexique et responsable du site Narco News, contre une ex-entreprise d’Etat, la Banque nationale du Mexique (Banamex). L’an dernier, Banamex l’avait assigné pour diffamation devant un tribunal new-yorkais, en compagnie d’un collègue journaliste de l’hebdomadaire Por Esto, après avoir tenté en vain de les faire condamner par des juges mexicains. La cour de New York a débouté la banque vendredi 7 décembre, estimant que Narco News bénéficiait de la protection du premier amendement de la constitution américaine sur la liberté d’expression.

La main dans le sac (de poudre)

Narco News, spécialisé dans les enquêtes sur le trafic de drogue entre l’Amérique et les Etats-Unis et l’hebdomadaire Por Esto avaient publié des photographies : sur les clichés, une livraison de cocaïne sur la plage privée du directeur de Banamex. Mais ce n’est pas sur ce seul point que le banquier avait saisi la justice américaine. Il s’était appuyé sur des déclarations faites par les deux journalistes au cours d’un débat à l’université américaine de Columbia. " Roberto Hernandez est un narcotrafiquant et blanchit l’argent de la drogue ", y avaient-ils déclaré. Avant l’ouverture du procès, l’Electronic Frontier Foundation a tenu à apporter son témoignage en tant qu’amicus curiae ("ami de la cour").L’association enjoignait la cour new-yorkaise de classer la plainte sans suite, ou tout au moins à séparer les récriminations à l’encontre des journaux de celles visant les propos émis par leurs responsables dans une réunion publique. Le tribunal ne l’a pas suivie. Il a enregistré la plainte et s’est penché sur le contenu des sites visés. Et a conclu que Narco News était un journal suffisamment sérieux pour bénéficier de la même protection que le New York Times en d’autres temps, dans une affaire qui fit jurisprudence.

Miracle

Dans une interview à Indymedia, Al Giordano, qui ignore si la partie adverse a fait appel, se dit soulagé d’avoir gagné en première instance. Il a passé la majeure partie de son temps – et dépensé pas mal d’argent - au cours des derniers mois à préparer sa défense, en commençant sans avocat. " C’est une décision très claire ", estime Giordano, pour qui une procédure en appel aurait peu de chances d’aboutir. Il dit aussi : " C’est un miracle. Et quand vous passez votre vie à travailler pour le changement social, vous finissez par compter sur les miracles ".