Le site indépendant d’informations sur le trafic de drogue, Narconews, est menacé par la banque nationale du Mexique. Son président l’attaque pour diffamation devant les tribunaux américains.
"Pour nous, Traffic n’est pas un film, nous le vivons tous les jours." Al Giordano, éditeur du site Narconews, spécialisé dans la politique anti-drogue et le narcotrafic, pourrait quand même réaliser un bon thriller à partir de son histoire. Tous les ingrédients y sont : menaces, drogues, dirigeants de grandes entreprises et Internet. En bref, deux journalistes utilisent le Net pour accuser l’un des banquiers les plus puissants du Mexique d’être un trafiquant de drogue. Pas mal comme synopsis… Depuis le 18 avril 2000, Al Giordano, ancien journaliste du Boston Phoenix, informe quotidiennement des milliers d’internautes sur les problèmes du trafic de drogue en Amérique latine et aux USA (voir article de Transfert). C’est là que le bât blesse. Que l’on dise que les Latinos exportent de la drogue, passe encore . Mais que l’on ose critiquer la politique anti-drogue des Gringos… Le journaliste a été menacé de mort à plusieurs reprises. Pour se protéger, il ne communique que par mail, depuis une adresse Hotmail, et seules quelques personnes savent où il se trouve, quelque part entre le Mexique et le sud des ...tats-Unis.
Réfutation en bloc
Pourtant, c’est du côté mexicain qu’il faut chercher les derniers ennuis d’Al Giordano. Le journaliste, son site, et l’un de ses collègues (Mario Renato Menéndez, directeur de l’hebdomadaire papier et en ligne Por Esto), sont poursuivis pour diffamation par Roberto Hernández, propriétaire de la banque nationale du Mexique (Banamex, privatisée en 1997). Accusé d’avoir publié sur Narconews plusieurs articles sur de supposés transports de cocaïne organisés par le banquier, Al Giordano réfute en bloc la diffamation. "Tout ce que j’ai publié est vrai, documenté, vérifié et encore facilement vérifiable », explique le journaliste. Roberto Hernández a déjà tenté à deux reprises de faire taire Narconews et les deux journalistes, sans succès. Les tribunaux mexicains ont rejeté à chaque fois la requête du banquier. La dernière décision de justice datant de 1999, surprenante quand on connaît l’ampleur de la corruption régnant au sein du système judiciaire mexicain, reconnaissait même que « le reportage incriminé reposait sur des faits réels ». Comment pouvait-il en être autrement ? Les photos publiées dans Por Esto et reprise sur Narconews montraient une livraison de cocaïne sur la plage privée du patron de Banamex…
Suite à ces deux revers, Roberto Hernández adoptait une autre stratégie. Au cours d’un débat à l’Université de Columbia en février 2000, les journalistes ont réitéré leurs doutes sur le banquier et ont confirmé que, selon eux, « Roberto Hernández était un narcotrafiquant et qu’il blanchissait de l’argent de la drogue ». Conséquence immédiate : une nouvelle plainte pour diffamation, auprès d’un tribunal de New York cette fois-ci. Et, en décembre 2000, le cabinet d’avocats Akin Gump Strauss Hauer & Feld, également connu pour être au service d’un puissant lobby dont l’un des principaux clients est le gouvernement colombien, arrive enfin à contacter Al Giordano. Le journaliste n’ayant pas d’adresse connue, c’est par mail que les avocats du banquier notifient à Giordano qu’il est poursuivi. « Akin Gump se comporte bizarrement », annonce Giordano, qui se dit victime d’une tentative de piratage : « Les avocats américains de Banamex nous ont envoyé 113 mails de 10 mégaoctets chacun dans la même journée. Notre serveur a été en rade pendant plusieurs jours ». Excuse invoquée par Akin Gump, qui ne souhaite pas communiquer sur cette affaire : le texte de la plainte était long, il a fallu l’envoyer en plusieurs fois… Mais le journaliste va plus loin dans ces accusations : « ils ont aussi voulu fermer Narconews, en menaçant directement notre hébergeur. Heureusement, celui-ci a refusé, invoquant la liberté d’expression et le Premier Amendement ». Une première rencontre entre les différentes parties et le juge doit se tenir cette semaine. « Il n’y a aucun arrangement possible », déclare Giordano. « Nous irons au tribunal. J’ai même hâte d’y être. Le procès sera long et intéressant, car nous révélerons plusieurs informations qui vont déranger. » Il faudra tout de même patienter quelques mois avant d’avoir le fin mot de cette histoire. Le procès devrait se tenir au plus tôt fin 2001.
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