Karine Portrait

Station de métro Courneuve, les militants descendent. La Fête de l’Huma est encore à quinze minutes en bus. La navette se remplit vite. Quelques couples âgés ont scotché sur leurs vestes l’autocollant du PCF, des gamins s’enquièrent du prix du billet auprès du chauffeur. On arrive enfin à l’espace du Bourget choisi par l’Humanité depuis deux ans pour faire sa fête. L’espace multimédia n’est pas très loin de l’entrée. On laisse les stands de merguez à gauche, le défilé des artisans du monde à droite et la grande tente apparaît. Premiers pas, premières impressions : un condensé de "lutte des classes", en 3D et en vécu. Le site Web du rendez-vous annuel des communistes français l’avait annoncé avec tact : "Le carrefour des nouvelles technologies, avec la présence de grands opérateurs et du mouvement associatif". On a du mal à trouver ce dernier, coincé au fond derrière les grands opérateurs. Le grand capital médiatique est omniprésent, scandant des slogans aussi révolutionnaires que "je m’abonne au câble ou pas ?"

Entre Alcatel et TF1

Canal Plus a installé le grand écran, les gosses se serrent sur les bancs et matent un match de basket : ...tats-Unis-Chine. En d’autres temps, ça aurait pu être un symbole... Les gars de Thomson ont mis la cravate et conseillent, avec classe, sur l’écran le plus plat, le plus grand, le plus beau. Alcatel fait tourner en boucle un topo didactique du style : "Nous avons toutes les parts de marché, nous sommes les meilleurs." TF1, chaîne number one, a sorti le grand jeu : hôtesses toutes jolies et animateur surexcité. Micro bien serré, il fait monter la pression : "Pour gagner ce magnifique cadeau (une perruque), une question, une seule : citez-moi les émissions animées par Arthur". Il y a foule sur le stand TF1.

Un petit stand associatif

Juste à côté, les associations se serrent les coudes et les tables : leur espace est pour le moins réduit. Dans quelques mètres carrés, se côtoient APRIL (Association pour la promotion et la recherche en informatique libre), Fraternet, qui aide depuis 1998 les associations à se servir du Web, et Internatif, une structure créée en 1995 pour réfléchir à l’utilisation d’Internet par le Parti communiste. Franck Mouly (Lire l’interview) en est le président : c’est lui qui a organisé l’espace associatif, préparé les débats et invité les rares associations présentes. Petit espace de résistance coincé au milieu des géants. Jérôme Relinger, le délégué national aux Nouvelles technologies pour le PCF (c’est son titre exact) préfère en rire. Il pointe la pancarte tf1.fr : "C’est vrai qu’on ne joue pas dans la même division que nos camarades. Y compris nous, qui essayons de développer un Internet révolutionnaire et partagé, nous en avons besoin, nous sommes obligés d’accueillir des sites marchands." On en verserait presque une larme.