Un militant anti-mondialisation tué par des balles tirées par les carabiniers, des dizaines et des dizaines de blessés... Les manifestations organisées, à Gênes, par les opposants au G8, ont tourné, vendredi, au drame. De notre envoyé spécial Alexandre Piquard.
Du sang sur le goudron. Un homme à terre. La jeep des carabiniers roule sur lui à deux reprises. Mais l’homme est déjà mort, touché à la tête par deux balles tirée par les carabiniers. En cette fin d’après-midi, à Gênes, c’est le chaos. Des manifestants "autonomes" ont, depuis plusieurs heures, débordé les opposants anti-mondialisation pacifiques. Dans la fumée des gaz lacrymogènes, les pierres s’opposent aux canons à eau, les barres de fer et les bombes incendiaires aux matraques... Ces images vont faire le tour du monde et ternir l’ensemble du mouvement anti G8 qui, à Gênes, voulait faire entendre sa voix par l’humour et la tranquille contestation. Mais, ce vendredi-là, les militants n’ont guère le cœur à s’en préoccuper. Qu’ils soient d’Attac ou des "Tute bianchi", du collectif français Aarrgg !, comme des jeunesses communistes italiennes ou de No global rage, ils soignent leurs plaies et leurs bosses, tentent de respirer après les gaz lacrymogènes qu’ils ont inhalés. Ils sont parfois en état de choc. Incapables de se souvenir que la journée avait si bien débuté.
Violence dès le milieu de l’après-midi
Dès huit heures, les différents groupes avaient afflué vers le Centre de convergence. L’ambiance était à la fête. Beaucoup de musique, des banderoles colorées, des déguisements en vue de la Pink marche qui devait se rendre vers la "zone rouge" de quatre kilomètres carrés, destinés à protéger le palais Ducale où se tiennent les entretiens du G8 (lire Gênes : veillée d’armes). De leur côté, les désobéissants ("Tute bianchi", jeunesses communistes, wombles, no Global rage...) avaient préparé, dans leur campement du stade Carlini, leur tenue de "guerre" : des blocs de mousse pour rembourrer leurs tee-shirts, des bouteilles de plastique pour se protéger les bras, des casques de chantiers. Ils avaient mijoté quelques actions spectaculaires. Ils voulaient lancer de gros ballons gonflés à l’hélium, des baudruches en formes de têtes de carnaval, contre les barrières défendues par les policiers. Ils voulaient aussi, déguisés en soldats du Moyen-ge, lancer du poisson pourri sur les forces de l’ordre... Mais leurs slogans drolatiques et pacifistes ont à peine eu le temps de se faire entendre. Très tôt dans l’après-midi, très loin encore de la "zone rouge", des manifestants "autonomes" se sont mis à tout casser. Les forces de l’ordre ont répliqué. Côté manifestants, on comptait déjà des dizaines de blessés. La violence a encore monté d’un cran. Des policiers ont tiré. Un manifestant est mort. Il avait une vingtaine d’années. Cela se passait à Gênes. Un vendredi d’été, en fin d’après-midi.