CORE, une société d’enregistrement de noms de domaine, a suspendu vote-auction.com le 1er novembre, sans aucun préavis. Hans Bernhard, le patron du site sulfureux qui vend les voix des électeurs américains aux enchères, parle d’une décision "illégale" et a déjà trouvé la parade.
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CORE a fermé vote-auction.com, le site qui propose aux électeurs américains de vendre leurs voix aux enchères. La décision de CORE (Internet Council of Registrars), une fédération internationale de sociétés d’enregistrement de noms de domaine, intervient à moins d’une semaine des élections présidentielles américaines, au moment où la polémique autour de Vote-auction est à son apogée (lire
Vote-auction pirate les élections américaines).
Intimidations
Flash-back : le 18 octobre dernier, suite à une plainte du comité électoral de la ville de Chicago, un tribunal de l’Illinois demande la fermeture de voteauction.com. Hans Bernhard, le patron du voteauction.com, se plie au jugement, mais rouvre son site sous une autre adresse : vote-auction.com. Vendredi 27 octobre, un des membres américains du comité exécutif de CORE reçoit un mail d’un des avocats du comité électoral de Chicago, lui demandant de trouver un moyen de suspendre également le nouveau nom de domaine, vote-auction.com. Bien qu’il n’y ait pas eu de décision de justice sur cette seconde adresse, CORE transmet le mail à Siegfried Langenbach, le patron de CSL. C’est cette société allemande d’enregistrement de noms de domaine qui a, quelques semaines plus tôt, vendu vote-auction.com à Hans Bernhard. CSL est affiliée à CORE, qui est, elle, basée à Genève (Suisse). Langenbach répond à CORE que même dans l’hypothèse où il y aurait eu une décision de justice aux ...tats-Unis, les jugements rendus par les tribunaux américains n’ont aucune raison de s’appliquer automatiquement sur le territoire allemand. CSL refuse donc de fermer le site. Mais Langenbach n’arrive pas à convaincre les responsables de CORE. Ceux-ci décident de consulter trois avocats-conseils, tous suisses. Ces derniers rendent leur avis le soir du lundi 30 octobre : il est normal et légitime de suspendre le nom de domaine. Ce qui est fait le 31 octobre au matin, lorsque CORE transmet sa requête de fermeture à l’InterNIC, l’organisme américain qui gère techniquement la base de données de tous les noms de domaine en .com, .org et .net. Werner Staub, coordinateur du secrétariat général de CORE à Genève justifie la décision prise par sa société : "Il serait irresponsable de prendre des risques pour des gens qui veulent faire de la provocation et qui ne mesurent pas la gravité de leur action." Il ajoute : "Nous avons le droit de suspendre unilatéralement l’adresse d’un site qui se livre à une activité illégale. Même si ça ne se passe pas en Suisse, le fait de vendre des votes est criminel dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom."
Contre-attaque
Joint ce matin par téléphone à Vienne, Hans Bernhard a déjà prévu sa riposte. Si le nom de domaine vote-auction.com ne fonctionne plus, le site est toujours actif via son adresse IP. Pour contrer CORE, Hans Bernhard affirme qu’il va déposer et activer sous 48 heures trois autres noms de domaine : voteauction.de (Allemagne), voteauction.at (Autriche) et... voteauction.cu (Cuba !). Il réfléchit à la possibilité de porter plainte contre CORE. Hans Bernhard considère que la suspension de son nom de domaine est le fruit d’une "intimidation" de la part des Américains. D’autant qu’elle a été prise sans aucun préavis, ce qu’assume totalement Werner Staub : "Nous n’avons pas pris la peine prévenir Hans Bernhard parce que nous ne souhaitons surtout pas être considérés comme des complices d’un site de nature à offenser tout un peuple." Hans Bernhard affirme qu’il s’attendait "à ce que les choses se déroulent ainsi". Il se dit très "choqué" par la tournure des événements et s’interroge : "Quelle valeur ont les noms de domaines s’ils ne sont pas protégés internationalement ?" Siegfried Langenbach, de CSL, le rejoint sur ce point et se déclare "furieux", d’autant plus qu’il a reçu le 2 novembre au matin, une citation à comparaître le 9 novembre devant un tribunal du Wisconsin. "Je ne sais pas encore ce que je vais faire, mais c’est problème grave pour l’Europe. Quelle indépendance avons-nous en tant que gérants de registres non-américains ?"
Pied de nez
Sur le site de Bernhard, de nouvelles provocations ont fleuri pendant la nuit. Pour ridiculiser "la dictature des sondages aux ...tats-Unis", il appelle les internautes du monde entier à se prononcer en ligne sur une batterie de points : "Seriez-vous plus enclins à aller voter si on vous payait pour le faire ?", "Vote-auction est-il légal ou illégal ?". Le site-trublion, qui revendique 150 000 visiteurs uniques par jour, publie également des statistiques. Les votants qui offrent leur voix sont classés par catégories socioprofessionnelles, revenus, origines, genres et affiliation politique. De quoi énerver un peu plus l’Amérique qui vit peut-être l’élection présidentielle la plus indécise de son histoire. Toute cette affaire réjouirait presque Bernhard, trop heureux de défrayer encore un peu plus la chronique : "Nous voilà dans la position des sites pornos, qui sont obligés de jouer à cache-cache avec la justice depuis des années. L’expérience prouve qu’ils s’en sortent bien..."