Les Big Brother Awards seront décernés samedi à l’occasion de la zeligConf’, rencontres européennes des contre-cultures digitales. La liste des nommés aux BBA vient d’être rendue publique. Au menu : le ministère de l’Intérieur, France Télécom, Thomson CSF, l’INRIA, les Impôts et... le Parlement.
P-E. Rastoin |
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Maman, je t’aime, maman, fais-moi un calin." La phrase est prononcée par un enfant cyborg, dont la trépanation laisse apparaître l’attirail technologique qui lui permet de parler. Visible sur le site des Big Brother Awards, cette statuette dorée sera l’un des trophées décernés lors d’une cérémonie officielle samedi 16 décembre.
C’est une première en France. Créés en 1998 par Privacy International, une organisation non gouvernementale focalisée sur les atteintes à la vie privée, les BBA, comme les surnomment leurs organisateurs, récompensent celles et ceux qui se sont particulièrement illustrés en matière de surveillance et de contrôle (électronique, vidéo, informatique, etc.) des individus. Décernés en Suisse, Allemagne et Autriche (lire Des Awards pour Big Brothers), ainsi qu’en Angleterre, les Big Brother Awards dénoncent les comportements, souvent illégaux, de petites entreprises et de multinationales, de l’administration ou des ministères. Il y a quinze jours, en Angleterre, Jack Straw, ministre de l’Intérieur, a ainsi remporté son troisième prix... en trois ans (Lire Grande-Bretagne : Big Brother à l’honneur).
La CNIL en ligne de mire
En France, le ministère de l’Intérieur est lui aussi sous les sunlights des BBA. Mieux : il est nommé deux fois. D’une part, à cause du STIC, ce Système de Traitement des Infractions Constatées qui met en fiches tout quidam ayant été qualifié de suspect, d’inculpé (même s’il est disculpé par la suite) ou même... de victime par les services de police. Petite précision : ce fichier, qui recoupe et croise les informations des divers fichiers pré-existants, est en activité depuis au moins 1995... en toute illégalité (Lire Le pirate était un flic... et un indic). Le ministère est d’autre part nommé, dans la catégorie "Prix spécial pour l’ensemble de son œuvre", pour ses programmes de surveillance et de contrôle des foules, les fichiers divers et variés liés aux séjours des étrangers, aux demandeurs d’asile... Les BBA pointent également le Parlement, pour son "incapacité lancinante, depuis plus de 20 ans, à se doter de contre-pouvoirs puissants et efficaces pour faire face à la montée du fichage accru des citoyens, contribuables, salariés ou assurés sociaux". Si le ministère des Finances figure lui aussi parmi les lauréats potentiels pour avoir obtenu l’autorisation d’interconnecter les fichiers fiscaux et sociaux (bref, la Sécu et vos impôts), c’est en fait la CNIL (Commission nationale informatiques et libertés) qui, in fine, est visée pour sa reddition devant la direction des Impôts. Ce n’est pas tout. Depuis deux ans, la CNIL tarde à adopter la directive européenne en matière de protection des données personnelles et n’a, en 22 ans et sur 33 000 plaintes, délivré que 47 avertissements et transmis seulement 16 affaires au Parquet. À défaut de s’attaquer directement à l’organisme censé garantir la protection de notre vie privée, les BBA tirent au moins la sonnette d’alarme.
Empreintes digitales à la cantine
P-E. Rastoin |
Reste que les Big Brothers ne relèvent pas que des plus hautes instances de l’...tat. Ainsi, entre autres primés potentiels, un collège niçois qui voulait contrôler l’accès à la cantine scolaire en fichant les empreintes digitales de ses collégiens, les travaux de l’INRIA en matière de "
vidéosurveillance intelligente" et de "
détection logicielle d’événements suspects" ou encore France Télécom pour son traitement particulier des données personnelles. Prévenu en avril dernier qu’il était possible de s’introduire dans les boîtes aux lettres électroniques de ses abonnés, Wanadoo n’a toujours pas réparé la faille... On peut consulter l’intégralité des nommés, et de leurs dossiers, sur le site des BBA. La cérémonie se tiendra dans le cadre de la zeligConf’, rencontres européennes des contre-cultures digitales qui, de vendredi à dimanche, réuniront à Paris partisans du "libre" et activistes électroniques autour de la création d’une agence de presse alternative, de l’hébergement indépendant post-Altern, du contrôle des contenus, de Freenet, des Unix libres, de la cryptographie ...