Gifle pour l’achat groupé. Deux de ses plus grands représentants défaillent. Après l’asphyxie financière de l’européen Letsbuyit, c’est à l’américain Mercata de succomber.
Plus on est nombreux à vouloir acheter un produit, plus on peut faire baisser son prix.. Le concept de l’achat groupé est séduisant et surtout très bien adapté au Web et à sa logique de réseau. Mais le nombre insuffisant des cyberconsommateurs - et leur individualisme - lui est fatal. Après la semaine très agitée du leader européen Letsbuyit, c’est l’un des pionniers américains Mercata qui jette l’éponge. Son PDG, Tom Van Horn, a annoncé vendredi que le site arrêterait ses activités le 31 janvier, mettant ainsi ses 100 salariés au chômage. La veille, il tentait le tout pour le tout en annonçant une prochaine entrée en Bourse. Histoire de tenir encore quelques temps, après avoir dépensé 89 millions de dollars (près de 615 millions de francs) en 20 mois d’existence. Mais le marché n’est décidément pas là. "C’est dommage, car beaucoup d’investisseurs disent adorer nos résultats, notre business modèle, et notre gestion des affaires, mais ils assurent ne rien pouvoir tenter maintenant", a concédé Tom Van Horn. Et pourtant, les investisseurs de Mercata ne sont pas les premiers venus. Vulcan Ventures, le fonds d’investissement de Paul Allen (cofondateur de Microsoft) y côtoie le Français Europ@web. Et les résultats sont là. Les chiffres du dernier trimestre 2000 sont les plus importants réalisés depuis les débuts de la société. Qui plus est, Mercata avait été récompensé pour son avance technologique : la société avait réussi à faire breveter la méthode de l’achat groupé utilisée sur son site.
Pas prêteur
"L’échec de Mercata ne doit pas signer l’échec de l’achat groupé", a insisté le PDG. Aux Etats-Unis, ce concept a surtout pâti du grand nombre d’acteurs sur le marché. Aux concurrents, Mobshop, Etrana (anciennement ActBig) ou Zwirl, se sont ajoutés les portails comme Yahoo ou AOL qui ont profité de leur vaste audience pour se lancer. "Le problème de tous ces sites, c’est que les commerçants traditionnels seront toujours capables de brasser des volumes plus importants qu’eux et donc de bénéficier de remises de prix plus importantes", modérait-on chez l’analyste Forrester Research, dès mars 2000. Letsbuyit croyait pouvoir résoudre le problème des volumes de marchandises nécessaires à l’obtention d’un bon prix, en s’implantant directement dans 14 pays. Mais il manque actuellement d’argent pour prouver l’efficacité de sa méthode.
Les sites d’achat groupé ont peut-être devancé leur époque. Sur le Vieux comme sur le Nouveau continent, la population des Internautes n’est ni très acheteuse, ni vraiment altruiste : prévenir son voisin ou ses amis qu’il y a une occasion sur un site de vente n’est pas encore devenu une habitude. La preuve, selon les professionnels du milieu, en est administrée par une simple observation : le succès grandissant des comparateurs de prix. Leur forte fréquentation indiquerait en effet que la quête de la bonne affaire est une préoccupation très individualiste : quand on a l’a trouvée, on la garde pour soi.