Pour les Etats-Unis, les essais nucléaires ne sont pas encore de l’histoire ancienne
Semipalatinsk (Russie), Mururoa (Polynésie française), site du Nevada (Etats-Unis), atoll Christmas (île britannique du Pacifique central), région du Lop nor (Chine)... autant de lieux contaminés à jamais par la radioactivité, à cause des essais nucléaires. Depuis l’explosion de la première bombe nucléaire le 16 juillet 1945 à Alamogordo (Etats-Unis), 2 052 tests (souterrains et atmosphériques) ont été réalisés. Un chiffre auxquel il convient de rajouter les bombardements des villes de Hiroshima et de Nagasaki, portant ainsi le nombre d’explosions nucléaires à 2 054, dont 1 521 souterrains et 531 atmosphériques... soit une explosion nucléaire tous les 10 jours depuis 58 ans.
Les Etats-Unis (1030 essais), le Russie (715), la France (210), la Chine (45), le Royaume-Uni (45), l’Inde (4), le Pakistan (2) ont été les acteurs de ces politiques de tests militaires.
Le 30 mai 1998, le Pakistan a réalisé son second test nucléaire, un essai qui reste, pour l’instant, le dernier réalisé dans le monde à ce jour (les derniers tests français ont été menés par Jacques Chirac au Centre d’essai de Polynésie, pendant l’hiver 1995-96).
"Penetrator"
Depuis cette date, la communauté internationale vit dans l’incertitude. En effet, trois des cinq puissances nucléaires ont décidé de mettre un terme définitif à toutes explosions nucléaires en ratifiant (France et Royaume-Uni le 6 avril 1998, Russie le 20 septembre 2000) le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice/CTBT). Pour autant, ces trois membres du club des cinq ne sont pas devenus ""anti-nucléaire", puisqu’ils poursuivent chacun un programme de simulations d’essais pour moderniser leurs arsenaux. Les Etats-Unis, la Chine, l’Inde et le Pakistan, en ne ratifiant pas le traité, se sont ménagé la possibilité de mener de nouveaux essais.
Le risque de voir pratiquer de nouvelles campagnes d’essais nucléaires peut provenir de des Etats indien ou pakistanais dans le but de réaffirmer leur puissance. Cependant, le danger majeur de voir à nouveau des montagnes trembler provient de Washington.
Les Etats-Unis ont la volonté politique et militaire de conserver un armement atomique puissant, comme ils l’ont réaffirmé dans la Nuclear posture rewiew, le document exposant la doctrine américaine, révélé en janvier 2002. Ils se sont depuis lancés dans une course à l’étude d’une nouvelle arme nucléaire, le Robust Nuclear Earth Penetrator (RNEP) : cette arme est capable de perforer tous les types de bunkers puis de libérer sa charge atomique. C’est une version "améliorée" des "mini-nukes", ces petites bombes récentes suppposées plus faciles d’utilisation que les grosses, et déjà opérationnelles dans l’arsenal américain.
Une différence, de taille : une mini-nuke est limitée à 5 kilotonnes, soit un tiers de la puissance employée à Hiroshima, alors que le Penetrator peut atteindre des centaines voire des milliers de kilotonnes.
Crédits d’entretien
Pour l’année 2004, le Congrès a voté 6,3 milliards de dollars pour les activités liées à l’armement nucléaire en général. Dans le budget de la défense américaine de l’année prochaine, 7,5 millions de dollars seront consacrés à la recherche pour le "Penetrator". Une arme qu’il faudra bien tester un jour, pour valider son concept.
Ces crédits ont été votés le 19 novembre dans le cadre de la loi fiscale Energy appropriations bill et sont inférieurs à ceux que demandait George Bush initialement : 15 millions de dollars pour le développement du Robust Nuclear Earth Penetrator.
Un budget n’a pas été revu à la baisse : celui qui sera alloué en 2004 au site d’essais nucléaires américain situé dans le Nevada : 25 millions de dollars, soit une augmentation de 7 millions par rapport au budget précédent. Cette somme sera utilisée non pas à la décontamination de ce site mais à la réhabilitation de l’ensemble des infrastructures qui permettent de pratiquer des essais nucléaires souterrains. Le but : être en mesure d’effectuer un tir nucléaire dans les 24 mois suivant une demande de la Maison Blanche, si la décision était prise. Ce délai est actuellement de 36 mois et le président Bush aurait souhaité le voir réduit à 18 mois, mais le Congrès en a décidé autrement.
Dans l’attente de pouvoir donner le feu vert à un test grandeur nature, le président Bush a donné son aval pour poursuivre le programme de tir "sous-critique" ou tir "froid" : il s’agit de faire exploser une petite quantité de matière, sans entraîner de réaction en chaîne des matières nucléaires. Le prochain tir américain (nom de code Unicorn) aura lieu en 2004, et sera réalisé selon la même méthode que les essais nucléaires souterrains. Une expérience dont le but est clairement d’entretenir les ingénieurs et les systèmes pour réaliser un essai nucléaire.
Sur le Traité d’interdiction des essais nucléaires:
http://www.ctbto.org/
L’essai sous-critique américain prévue pour 2004:
http://www.reviewjournal.com/lvrj_h...
Un article sur le "Nuclear posture Rewiew", sur le site du NRDC, qui l’a révélé:
http://www.nrdc.org/nuclear/restrai...
Le document "Nuclear posture Rewiew" (NPR): _ http://www.globalsecurity.org/wmd/l...
Budget américain pour l’armement nucleaire (Ananuclear): _ http://www.ananuclear.org/FY04budge...
U.S. Legislators Cut Bush Nuclear Weapons Requests (Global Security Newswire):
http://nti.org/d_newswire/issues/20...
Interview de Bruno Barrillot: "En 2015, la France aura entièrement renouvelé son arsenal nucléaire" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9486