...moi chez les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté : une institution anglaise, chargée d’élaborer les programmes scolaires, aurait projeté de remplacer l’étude de Shakespeare par des cours sur les nouveaux médias.
La presse britannique bruissait jeudi 8 février d’une rumeur si infamante qu’elle avait de quoi gâter la quiétude du plus flegmatique des sujets de Sa Très Gracieuse Majesté : l’étude de Shakespeare et "de tout le canon de la littérature anglaise" allait céder la place dans l’enseignement secondaire à des cours sur "la lecture de l’image", "l’utilisation d’Internet" et des "nouveaux médias". Tel est le projet sacrilège que la Qualifications and Curriculum Authority (QCA), une institution chargée d’élaborer les programmes scolaires, aurait soumis en début de semaine à David Blunkett, le secrétaire d’...tat à l’...ducation.
Flambée patriotique
Sitôt la nouvelle diffusée (sans que l’on comprenne très bien d’où elle était partie), le Times et quelques autres prestigieux quotidiens nationaux se fendaient de billets aussi outrés que patriotiques : il fallait venir à la rescousse de William Shakespeare, "le Barde", que les Britanniques se plaisent à vanter comme "le plus grand écrivain de tous les temps". Un éditorialiste du Guardian se prenait déjà à rêver d’empoignades cataclysmiques devant la chambre des représentants, d’une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, comme au temps des rois Stuart et de Jonathan Swift.
Dans la matinée du vendredi 9 février, un sondage réalisé par l’édition en ligne du Times indiquait que, pour 86 % des lecteurs du site, Shakespeare devait demeurer un must pour les jeunes Britanniques. Même les Froggies, ces canailles régicides de Français, d’ordinaire si prompts à railler les ressortissants de la perfide Albion, prenaient la défense de l’immortel chantre de Stratford-upon-Avon. À la une du Figaro de vendedi, sous le titre "Shakespeare ou Internet, that is the question", Véziane de Vezins n’hésitait pas à convoquer Georges Bernanos, pour affirmer avec ironie qu’ "un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté".
Démenti formel
Accusé de toutes les félonies, le président de la Qualifications and Curriculum Authority avait pourtant pris la peine de publier dès jeudi après-midi un démenti des plus formels. Plein de morgue, l’honorable Sir William Stubbs écrivait : "Tous les étudiants de 11 à 16 ans sont tenus par la loi d’étudier les œuvres de Shakespeare et des autres chefs-d’œuvre de la littérature. La QCA n’a aucunement l’intention de réclamer une quelconque modification de cette obligation légale. En conséquence, l’étude de Shakespeare et des autres grands écrivains reste, et restera, un élément fondamental dans les cours et les contrôles d’anglais pour chaque élève, quelles que soient les épreuves qu’ils choisissent de passer aux examens." Beaucoup de bruit pour rien, donc.
La Qualifications & curruculum authority (QCA):
http://www.qca.org.uk
Le communiqué vengeur de Sir William Stubbs, chairman de la QCA:
http://www.qca.org.uk/news/press/20...