À rebours du projet de Convention sur la cybercriminalité, dénoncé par nombre d’ONG comme contraire aux droits de l’homme, la Commission européenne avance son propre projet, tout doux, tout doux.
 Peggy Pierrot |
Lorsqu’on parle de "cybercriminalité", il est de coutume d’en faire des tonnes : milliards de dollars de préjudice, omniprésence des "
pédonazis", "
zone de non-droit", etc. Surprise : la dernière communication de la Commission européenne, intitulée "Créer une société de l’information plus sûre en renforçant la sécurité des infrastructures de l’information et en luttant contre la cybercriminalité", s’en démarque franchement. La lecture des 40 pages du rapport fait davantage penser à une histoire que raconterait une mère à son enfant qui viendrait de faire un cybercauchemar qu’à la position officielle des Quinze face au projet de Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe. Le texte de cette assemblée, forte de 47 pays (dont les ...tats-Unis), est vivement critiqué car
il irait à l’encontre de plusieurs articles des principales déclarations des droits de l’homme.
Appel à contributions
Beaucoup plus prudent, le rapport de la Commission européenne ne cesse de se référer aux divers textes qui garantissent la protection de la vie privée, comme s’il voulait très clairement se démarquer du projet de Convention. Il rappelle aussi qu’il existe déjà tout un arsenal de lois nationales et de directives européennes concernant la criminalité informatique ou encore l’interception des télécommunications. De même, selon le document, le droit à l’anonymat et à l’utilisation de la cryptographie forte ont été reconnus et seront maintenus. Il propose seulement d’ouvrir une concertation publique en vue d’harmoniser les lois dans le respect du droit. Ainsi, un appel à commentaire est lancé, une audition publique aura lieu le 7 mars prochain, les propositions par e-mail pouvant être adressées jusqu’au 23 février.
Les objectifs de la Commission européenne sont néanmoins clairs : muscler l’arsenal répressif contre la pornographie enfantine, mais aussi contre le racisme et la xénophobie, des thèmes absents des travaux du Conseil de l’Europe. Autres pistes envisagées : accentuer la coopération entre tous les acteurs concernés en créant un forum réunissant des représentants d’utilisateurs et de consommateurs, d’entreprises et des autorités chargées de l’application des lois et de la protection des données. Les Quinze souhaitent aussi mieux former les intervenants en sécurité, mettre en place des hotlines pour mieux lutter contre la cybercriminalité, créer des unités de police spécialisées et harmoniser le droit en vue de permettre l’extradition de suspect. Le tout avec un budget de 270 500 euros (1,77 million de francs). Si ce document n’a pas force de loi et si ses conclusions finales ne sont pas rendues publiques avant 2002, c’est néanmoins une pierre de plus dans le jardin du Conseil de l’Europe. Son projet de Convention, qui en est à la 25e mouture, pourrait être approuvé en juin prochain.
Le rapport de la Commission européenne:
http://europa.eu.int/ISPO/eif/Inter...
Projet de Convention sur la cyber-criminalité:
http://conventions.coe.int/treaty/F...