Mercredi 6 décembre, le professeur Daniel Loisance, de l’hôpital Henri Mondor, présentait les avancées en chirurgie cardiaque assistée par ordinateur. Dernier progrès en date : la visualisation en trois dimensions et en temps réel des zones à opérer.
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Les patients veulent une chirurgie sans incision ni cicatrice." Le professeur Daniel Loisance, professeur de chirurgie cardiaque à l’hôpital Henri-Mondor, hoche la tête en énonçant ce paradoxe. Informé par la presse des derniers coups d’éclat de la science, le public serait de plus en plus exigeant. S’il existe des machines capables d’effectuer une opération du cœur sans ouvrir la cage thoracique, et d’amoindrir l’abattement physique consécutif à l’opération, pourquoi n’en bénéficierait-il pas ? "
C’est tout le problème, explique le chirurgien.
L’industrie médicale a aujourd’hui deux solutions pour continuer à se développer : étendre le marché à des pays non consommateurs, tels que l’Inde ou la Chine. Mais cela n’intéresse pas les industriels puisque ce ne sont pas des pays payeurs. Ou bien pousser à la roue pour que les chirurgiens transfèrent leurs modes d’opération vers les nouvelles technologies." Raison pour laquelle chaque première médicale fait l’objet d’une surmédiatisation qui donne au grand public l’image d’une médecine techniquement bien plus avancée qu’elle ne l’est en réalité.
3D indispensable
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Pour le professeur Loisance, l’arrivée des nouvelles technologies donne des résultats globalement positifs et permet des opérations de moins en moins invasives. Revers de la médaille : elles sont techniquement difficiles à appréhender. La presse s’est largement fait l’écho des prouesses technologiques de la médecine, mais les appareils sortis il y a deux ans sont désormais dépassés. Surtout, la vision en deux dimensions de l’intérieur du corps humain est insuffisante pour permettre au chirurgien des approches très précises. Sans repère de profondeur, ce dernier peut par accident perforer des organes périphériques. Ce type d’erreur devrait être évité avec le nouveau système Da Vinci, développé par Intuitive Surgical. Cette machine complexe permet une vision interne en trois dimensions rendue à l’aide de deux caméras, et d’un poignet articulé pour effecteur les gestes techniques à l’intérieur du corps du patient. Le tout, manipulé à distance par un chirurgien dont les gestes sont reproduits en temps réel par un ordinateur ultra puissant. La France ne compte aujourd’hui que trois machines de ce type. Chacune d’elle a coûté entre un million et un million et demi de dollars. Le professeur Loisance en a obtenu une dès mai 2000 pour son service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire à Henri-Mondor : l’achat a été financé par l’homme d’affaires François Pinault. Un deuxième système Da Vinci est arrivé à Nancy depuis trois semaines seulement et le troisième est en cours d’installation à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris.
Vers une télémédecine internationale
Aujourd’hui, seul 2 à 3 % des opérations cardiaques ont pu bénéficier de cette technologie, c’est-à-dire les patients qui présentent le moins de risques opératoires. En outre, si l’équipe de l’hôpital Henri Mondor a suivi une formation spécifique à la manipulation du matériel, les temps opératoires demeurent plus longs que lors d’interventions traditionnelles. Avec de la pratique, ces délais devraient toutefois se réduire. Avec de tels outils, on se prend à rêver d’opérations à distances, mais celles-ci ne sont pas tout à fait à l’ordre du jour. "Il est nécessaire d’avoir un chirurgien traditionnel sur place", explique le professeur Loisance . En effet, le moindre micro saignement peut boucher le champ de vision de la caméra et il faut alors recourir à des techniques invasives. Mais il n’exclut pas, d’ici quelques années, le recours à la télémédecine internationale, mettant par exemple en relation un chirurgien italien et des spécialistes internationaux équipés du même matériel. Au cours d’une opération, si le premier rencontrait une situation imprévue, il pourrait ainsi bénéficier des conseils, voire des techniques de ses pairs. À condition toutefois de bénéficier d’une connexion Internet suffisamment puissante et sécurisée pour transmettre des informations en streaming, sans le moindre ralentissement. Ce qui demanderait sans doute l’instauration d’une sorte d’Internet parallèle à haut débit à destination du corps médical.
En attendant d’en arriver là, on attend en France la prochaine innovation technologique venue du Japon : il s’agit d’un ensemble software/hardware sur lesquels travaillent les ingénieurs de Toshiba, capable de modéliser en trois dimensions les organes internes d’un patient, de telle façon que les chirurgiens puissent se livrer à une véritable simulation avant la première intervention. Le produit est actuellement en développement. À son arrivée en France, il devrait coûter dans les huit millions de francs. Reste à savoir qui mettra la main à la poche pour offrir cette merveille de technologie au corps médical français.