Adopté par les Français, l’EDMS facilite les collaborations internationales en garantissant la fraîcheur des infos
Le logiciel Engineering Data Management System (EDMS) collecte et gère simultanément, via internet, des centaines de milliers de documents. Développé depuis 1999 par le Cern (l’organisme de recherche internationale sur le nucléaire basée à Genève) cet outil modifie profondément les méthodes de travail des projets scientifiques internationaux impliquant de multiples acteurs, en pointant directement vers la dernière version en date d’un texte ou d’un dessin. Depuis l’été 2003, l’EDMS équipe le Centre de calcul de Lyon où travaillent les chercheurs de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (In2p3).
Certaines collaborations scientifiques actuelles regroupent des milliers de physiciens dispersés dans le monde, travaillant dans leur coin à une partie du projet. Chaque personne produit des informations, techniques ou scientifiques, qu’il faut échanger rapidement avec les autres. Les chercheurs mettent leur production sur le web, au fur et à mesure de leurs avancées. Les fichiers s’accumulent rapidement et se périment, sans que leurs lecteurs en soient avertis. Pour ces derniers, toute la difficulté consiste à accéder directement à la dernière version en date.
Interface web originale
"Avec l’EDMS, c’est le contraire. Chaque document est signalé par son cycle de vie : ’en cours d’élaboration’, ’contrôlé’, c’est-à-dire sous sa forme définitive, et ’caduque’", précise Marcel Lieuvin, directeur technique adjoint à l’In2p3 et responsable du choix des outils proposés aux physiciens.
Le logiciel fonctionne sous forme d’arborescences, avec différents niveaux d’accès qui dépendent du niveau de confidentialité des documents. "Il y a des fichiers complètement ouverts, et d’autres, comme les finances, à l’accès restreint", explique Marcel Lieuvin.
C’est à partir du logiciel Axalant de la société Eigner and Partner que le Cern a mis au point fin 1999 l’EDMS. L’originalité de ce dernier, par rapport aux autres programmes de gestion électronique des documents (GED) existants, réside dans l’interface web que n’ont pu s’empêcher d’ajouter les informaticiens du centre de recherche international, acteur historique de l’internet.
"L’EDMS est particulièrement convivial, avec n’importe quel browser, tel que Netscape ou Safari", estime Ludwig Dobrzynski, physicien à l’Ecole polytechnique. Ce chercheur utilise l’outil du Cern dans le cadre de l’expérience CMS (Compact Muon Solenoid) installée auprès du futur accélérateur LHC (Large Hadron Collider) : "CMS est un projet impliquant 30 pays et 2000 physiciens et ingénieurs, qui ont un accès immédiat aux données. Dans le monde, en comptant toutes les grosses collaborations, ce sont plus de 10 000 physiciens qui utilisent déjà l’EDMS."
Pour l’In2p3, l’EDMS revient à quelques milliers d’euros, le coût des licences d’Eigner & Partner, le Cern fournissant gratuitement la couche Web. D’autres institutions françaises qui collaborent avec l’In2p3, par exemple le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), bénéficient ainsi d’un accès gratuit au logiciel.
Garantir la qualité de chaque document
"L’EDMS ne remplace pas les journaux scientifiques qui publient le travail des chercheurs, précise Gérard Milleret, un ingénieur de l’Ecole polytechnique qui collabore au projet CMS. Il permet de stocker de manière fiable des documents, et de garantir leur qualité."
Un point de vue que partage Marcel Lieuvin : "L’EDMS permet d’assurer la pérennité des documents. C’est la traçabilité de la qualité." Tous les documents sont en effet supervisés et approuvés par plusieurs experts, et commentés au fur et à mesure de leurs modifications.
Pour Ludwig Dobrzynski, "les documents peuvent être des films, des photos, des dessins techniques ou des schémas électroniques. On connaît ainsi tout l’historique d’un dessin technique, par exemple."
Avant l’EDMS, certains types de documents - comme des plans de mécaniques - étaient archivés sur des microfilms, beaucoup moins souples à utiliser. "Le Cern a permis, par rapport aux autres systèmes de gestion, la collecte des commentaires pour chaque fichier, conclut Gérard Milleret. Maintenant, avant de commander des pièces pour une machine, on connaît toutes les spécifications de l’électronique, et on peut commander le bon matériel à coup sûr."