Roselyne Bachelot propose quelques demi-mesures pour renforcer l’information du public
Le 24 juillet 2003, un arrêté gouvernemental classait "secret défense" toutes les informations concernant les matières nucléaires, soulevant de vives protestations des associations. Mais dans le volet "sécurité et transparence nucléaire" de son projet de loi d’orientation sur les énergies, la ministre de l’Ecologie et du Développement durable, Roselyne Bachelot-Narquin, réclame un renforcement des mesures visant à informer la population et à garantir la sécurité des centrales. Depuis le 7 novembre dernier, les internautes peuvent consulter ce texte et adresser leurs commentaires au ministère de l’Environnement.
Les dispositions concernant la sécurité et la transparence en matière nucléaire inscrites dans le projet de loi d’orientation sur les énergies s’articulent essentiellement autour de trois objectifs.
Deux textes contradictoires
Le plus étonnant d’entre-eux vise à renforcer l’information du public. Il contredit totalement l’arrêté du 24 juillet 2003, puisque selon l’article 4 du premier chapitre de ce nouveau texte, "toute personne a le droit d’obtenir, auprès des exploitants d’installations (...) et des personnes responsables de transports de matières radioactives, pour des activités excédant des seuils définis par voie réglementaire, les informations disponibles relatives aux risques (...) résultant des activités nucléaires (...) ainsi que les informations disponibles relatives aux mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions".
Selon le texte de la ministre de l’Ecologie et du Développement durable, ce droit à l’information du public incombe aux exploitants de centrales et aux responsables des transports. Des personnes qui, selon l’arrêté du 24 juillet 2003, ne sont pas tenues de divulguer ces informations, désormais classées "secret défense".
Toutefois, le projet de loi reste flou : il précise en effet que ces personnes peuvent "refuser de communiquer des informations dont la divulgation peut avoir pour effet de porter atteinte à la sécurité nucléaire". Or, c’est justement au nom "de la sécurité nucléaire" en général, et plus particulièrement dans le but d’éviter toute attaque terroriste, que les informations sur les transports et le stockage de matières nucléaires sont, depuis cet été, considérées comme de nature à nuire à la sécurité de l’Etat.
Informations sous tutelle
Le projet prévoit aussi de doter d’un financement de l’Etat les Commissions locales d’information (les Clis), chargées de recueillir et de diffuser, auprès de la population, des données fournies par les exploitants de centrales. Mais mis à part cette aide financière, les Clis ne bénéficient d’aucune disposition qui pourrait renforcer leur pouvoir. De plus, leur création reste l’initiative du président du conseil général du département d’implantation, et leur président est élu par les représentants des collectivités territoriales. Cette tutelle de l’Etat est régulièrement dénoncée par bon nombre d’associations de défense de l’environnement, qui fustigent le manque d’indépendance de ces commissions.
Le projet de loi de madame Bachelot-Narquin donne également plus de pouvoir aux inspecteurs de l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN). Les inspecteurs de cette instance pourront notamment pénaliser les exploitants qui "ne respectent pas les règles de sûreté ou de transparence". Mais, là encore, ces outils sont offerts à une institution dont l’indépendance et l’efficacité est souvent remise en cause par les défenseurs de l’environnement. Placée sous l’autorité conjointe du ministre de l’Environnement, du ministre chargé de l’Industrie et du ministre chargé de la Santé, l’ASN agit en effet "au nom de l’Etat". "En france, le ministère de l’industrie, actionnaire dans plusieurs entreprises du secteur nucléaire, est à la fois juge et partie. Cet été, pendant la canicule, EDF a négocié directement avec le ministère pour obtenir des dérogations concernant le rejet d’eaux chaudes des centrales, sans passer l’autorité de sureté du nucléaire. Cette autorité n’a pas d’autorité. Elle dépend directement des industriels", explique Frédéric Marillier, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France.
Le texte, qui sera présenté au parlement, est consultable depuis le 7 novembre dernier sur le site de l’Autorité de sûreté nucléaire. Les internautes peuvent "faire part de leur remarques sur ces dispositions" en envoyant un mail à l’adresse indiquée en bas du communiqué. Mais, contrairement à ce que semble indiquer cette adresse, le courrier ne parvient pas à la direction générale de l’ASN. Selon la chargée des relations presse de l’ASN, Olivia Penichou, ce courrier est en fait géré par le ministère de l’Environnement. Au moment de la publication de cet article, ses représentants, interrogés par Transfert, n’avaient pas donné d’indications sur le nombre, la nature du contenu et l’utilisation de ces messages. La transparence prônée par le ministère de l’Environnement semble encore relative.
Le projet de loi:
http://www.asn.gouv.fr/data/informa...
Le site de l’Autorité de sureté du nucléaire:
http://www.autorite-de-surete-nucle...
Le site du ministère de l’environnement et du développement durable:
http://www.environnement.gouv.fr
Les informations sur les matières nucléaires passent sous secret défense (transfert):
http://www.transfert.net/a9193