Le 30 septembre dernier, à la faculté de médecine de Brest, Cyril Quéméras, un jeune généraliste de 30 ans, soutenait sa thèse de doctorat. Son sujet ? "Intérêt des listes de discussion destinées aux patients concernés par une pathologie rare, grave ou chronique : comparaison du point de vue de la population générale et du point de vue médical". Menée auprès d’un millier de patients ou de proches et de 600 praticiens, son étude montre que les premiers apprécient le réconfort psychologique que procurent ces espaces d’échange. Mais les professionnels regrettent le manque de validation scientifique des réponses faites aux internautes.
"L’idée de cette thèse m’est venue en 1996 alors que mon meilleur ami fut atteint d’une maladie rare. Rien en France n’existait alors sur ce thème. Nous avons donc créé nous-même un site et espaces lieux de discussions, raconte le co-fondateur et administrateur du site www.medicalistes.org. Par la suite, j’ai naturellement cherché à savoir si ce type de support était utile et bien perçu."
Sa thèse donne une idée du foisonnement des espaces de discussion consacrés à la santé, ces dernières années, qu’ils soient ouverts au grand public ou réservés aux professionnels. Elle cite ainsi les 300 listes santé de Francopholiste, la centaine hébergée par le CHU de Rouen ou le millier de références sur Yahoo !Groups. Medicalistes accueille, pour sa part, une trentaine de listes de discussion.
"Petit phare dans la nuit"
Selon Cyril Quéméras, plusieurs dizaines de milliers de personnes seraient aujourd’hui abonnées à une ou plusieurs listes. Un chiffre la fois modeste (ces thèmes concernent des centaines de milliers d’individus) et incomplet : nombre de listes, mal référencées, demeurent accessibles aux seuls initiés.
Pour mesurer l’intérêt de ces échanges, le médecin a commencé par solliciter des volontaires par message électronique, notamment en diffusant une annonce auprès des listes hébergées sur Medicalistes, Yahoo !Groups et le CHU de Rouen. Au final, le thésard a obtenu 1099 réponses de particuliers et 600 émanant de professionnels de santé, chaque population devant remplir un questionnaire spécifique.
Sans surprise, les listes de discussion consacrées à une maladie rare ou "orpheline" présentent un "grand intérêt" pour la population non-professionnelle, qu’il s’agisse de patients ou de proches de patients. On vient tout autant y chercher (ou y donner) un soutien psychologique que des réponses à des interrogations médicales. "La liste est comme un petit phare dans la nuit, elle permet de voir, de savoir où l’on va, où l’on est. C’est un point d’orgue qui permet de se retrouver, de ne plus être seul face à la maladie. Merci", écrit ainsi Bernadette, citée en exergue de la thèse de Cyril Quéméras.
Petite circonspection
Côté professionnels, on est nettement plus circonspect quant à la validité médico-scientifique des propos échangés. Si la moitié d’entre eux trouvent un "certain intérêt" à cet outil, 63 % souhaitent la présence d’un praticien dans la discussion, notamment afin de corriger les propos erronés. 90 % des professionnels reconnaissent l’effet positif de la participation à une liste sur la relation patient/médecin et près d’un tiers auraient déjà conseillé à leur interlocuteur de s’abonner à une liste de discussion.
Cette appréciation largement positive est, de l’avis même de Cyril Quéméras, à relativiser, du fait du mode de recrutement par e-mail et du caractère volontaire de la démarche. Deux aspects qui favorisent une population déjà sensibilisée à l’internet et à ces thèmes. "Mon objectif à travers ce premier travail est de mieux faire connaître les listes de discussions trop peu connues et utilisées, mais ce n’est qu’une étude pilote avant la mise en place d’un travail plus solide et systématique, admet le généraliste. Pour ce faire, il faudrait solliciter les médecins libéraux et hospitaliers. Bien que je souhaite continuer à travailler sur ce thème, seul je ne pourrais poursuivre plus en avant mes investigations."
Pour Cyril Quéméras, l’intérêt des listes de discussion n’est, en tout cas, plus à démontrer. "C’est un outil très bénéfique pour les maladies graves, chronique et/ou rares. Lorsqu’un malade se retrouve face à son médecin, il peut être déstabilisé par son propre état et ne pas avoir alors le réflexe de poser les bonnes questions ni, éventuellement, de bien comprendre les réponses. Sur internet, il peut réfléchir à ses questions et lire et relire tranquillement les réponses. Les listes de discussion sur internet nivellent les différences de connaissances entre médecins et malades."