La réclame, ennemi commun des intermittents, chômeurs, enseignants, graffeurs...
Le vendredi 17 octobre, à 19 heures, un collectif appelle à recouvrir les panneaux publicitaires de grandes croix noires ou de messages détournés. Cette action de désobéissance civile est lancée via un site internet. Les auteurs, anonymes, forment une coalition inédite d’intermittents, de précaires, d’enseignants, qui dénoncent tous la politique du gouvernement et le recul des services publics. Ils voient dans la publicité un ennemi commun, symbole de la "marchandisation de l’espace urbain et des esprits". A Paris, les anti-pub agiront dans le métro.
Education nationale, retraites, sécurité sociale, statut d’intermittent, assurance-chômage... autant de "biens communs" qui subissent actuellement des "dégradations", selon les auteurs de l’Appel au recouvrement d’espaces publicitaires. Sur le site "Stopub" et dans un communiqué circulant par email, les militants dénoncent aussi la privatisation croissante de l’éducation, de la médecine, du vivant et de la culture.
"Nous allons attaquer le carburant de cette marchandisation : la publicité", déclarent les auteurs de l’appel. Anonymes, ceux-ci forment une coalition hétéroclite de groupes opposés à la politique du gouvernement Raffarin dans les mois passés : enseignants, chômeurs, chercheurs, intermittents, personnel de santé, archéologues, précaires, fonctionnaires, étudiants, architectes, annonce le site.
Les petits graffeurs à la croix noire
Comment la publicité est-elle devenue l’ennemi commun de militants venus d’horizons si différents ? "La publicité véhicule des valeurs symboliques d’un monde régi par l’apparence, l’argent, le profit et l’individualisme, explique un des organisateurs, qui se rappelle que l’idée, évoquée en réunion par des intermittents, a vite suscité l’enthousiasme des autres groupes présents. Ce n’est pas tant la pub en tant que telle que nous attaquons mais la figure d’un système qu’on veut changer."
L’organisateur raconte également que certains des militants sont lassés de manifester sans se faire entendre et de monter des actions lourdes et longues comme des spectacles ou des blocages pour les intermittents. N’étant pas écoutés du gouvernement, ces groupes sont heureux de lancer une action "plus radicale, simple, forte et réappropriable"
Le vendredi 17 octobre, à partir de 19 heures, internautes et quidams sont appelés à se munir de rouleaux à peinture, bombes et marqueurs pour recouvrir les panneaux publicitaires de croix noires. Si le but est bien de toucher le maximum d’affiches, le site en appelle tout de même à la créativité des participants, aui seront aidés de plusieurs graffeurs militants.
La croix noire rappelle le "point noir" symbolique de la campagne Unbrand America, qui veut se réapproprier le paysage des Etats-Unis, actuellement aux mains des multinationales. Depuis cet été, l’ONG canadienne Adbusters appelle à recouvrir les logos par des points noirs faits à la main, en autocollants ou en posters.
Adbusters a réussi à faire diffuser un anti-spot de publicité pour sa campagne sur CNN, le 29 septembre, après avoir essuyé des refus des autres chaînes. L’ONG a aussi publié son anti-logo noir en pleine page dans le quotidien New York Times
Lazzis dans le métro
A Paris, les militants anti-pub ont prévu sept points de ralliement, aux abords de grandes stations de métro : St-Lazare, République, Place d’Italie, La Motte-Picquet, Montparnasse, Nation, Gare de l’Est. Ils attendent environ 650 personnes dans la capitale.
En province, des actions locales tentent de s’organiser peu à peu, via le site internet.
Le mouvement Résistance à l’agression publicitaire (RAP) n’appelle pas à cette action, potentiellement illégale. Mais des membres de ce collectif de lutte contre les panneaux publicitaires dans le paysage devraient y participer à titre personnel...
"Comme le dit souvent Yvan Gradis, du RAP, le plus dur est d’amener les gens à vraiment toucher une publicité. La pub, c’est sacré. Et ça fait peur...", analyse le co-organisateur de l’action, qui souligne que la majorité des gens se déclare pourtant spontanément contre la pub. Vendredi, il s’agira surtout de faire prendre conscience aux participants de ce paradoxe.
Les militants savent que le succès du recouvrement de pubs, comme toute action de désobéissance civile, dépendra en grande partie du nombre de participants. A moins de 200 personnes, les organisateurs, qui s’attendent à une présence policière, annuleront l’action. En cas de succès, ils comptent la reconduire tous les vendredis à la même heure. Et éspèrent monter un happening spécial lors du Forum social européen (FSE), qui rassemblera le mouvement altermondialiste à Paris/Saint-Denis du 12 au 15 novembre.
Stopub, le site de l’action:
http://membres.lycos.fr/stopub/
Le site de Résistance à l’agression publicitaire (RAP):
http://www.antipub.net/rap/
Le site de la campagne Unbrand America (Adbusters):
http://www.unbrandamerica.org/home.html
Le site d’Adbusters:
http://www.adbusters.org
Adbusters en campagne contre "la marque Amérique" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8602
L’opération "Une rentrée sans marques" veut bouter la pub hors de l’école (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9209
"La présence de marques porte atteinte à la neutralité de l’école", interview de Véronique Gallais (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9210
Interview de Kalle Lasn, fondateur d’Adbusters - en 2001 (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a6186