"Les logiciels sont créés par les hommes et l’erreur est humaine..." [Cyril Voisin]
Le chef de programme sécurité de Microsoft France réagit à la vague de failles récente
Cyril Voisin, chef de programme sécurité chez Microsoft France, réagit aux nombreuses annonces de failles de sécurité publiées cet été concernant Windows. Reconnaissant que Blaster, un des virus les plus violents de l’été, est dû à une erreur de programmation du géant du logiciel, il revient sur le nouveau concept d’"Informatique de confiance" développé par Microsoft. Cyril Voisin explique également une nouvelle règle que le leader mondial compte utiliser pour la sécurisation de ses logiciels : "SD³+C : Sécurisé dès la conception, Sécurisé par défaut, Sécurisé lors du déploiement + Communications". Le responsable sécurité souligne enfin l’importance des firewalls personnels avec lesquels un internaute peut filtrer le trafic réséau, ainsi que du système de mises à jour automatique de Microsoft, pour se protéger des "attaques actuelles et futures"...
Comment se fait-il que de nombreux trous de sécurité soient annoncés successivement, à propos de produits Microsoft ?
Cyril Voisin : Les logiciels sont créés par des hommes et des femmes. L’erreur étant humaine, les logiciels comportent des erreurs, appelés "bogues" dont certains touchent à la sécurité. Bien entendu, ceci est valable pour tous les logiciels, quelles que soient leurs provenances respectives, Microsoft ou pas. Ainsi, et pour mémoire, on
peut rappeler l’accident de la fusée Ariane V, les problèmes de la sonde Pathfinder, le bogue du système GPS ou les problèmes de paiement des prestations sociales en France...
Loin d’être fataliste, Microsoft essaie de faire tendre le nombre de vulnérabilités de ses produits vers un point le plus proche possible de zéro, tout en admettant qu’il restera toujours un petit nombre d’erreurs rémanentes et qu’il faut donc, à ce titre, prendre des dispositions afin de pouvoir y remédier, lorsque celles-ci sont découvertes.
Dès que nous découvrons une vulnérabilité, nous faisons en sorte de la corriger rapidement afin de permettre aux utilisateurs de nos technologies de se protéger. Nous analysons ensuite le type de vulnérabilité ainsi découvert pour comprendre comment il a pu nous échapper et rechercher d’éventuelles autres occurrences.
Pourquoi et comment des virus tels que Blaster voient-ils le jour ?
Dans ce cas précis, suite à la découverte de la première
vulnérabilité (qui permettait de prendre le "contrôle total" d’un ordinateur, Ndlr), nous avons lancé une revue interne approfondie du composant RPC (Remote Procedure Call, protocole de gestion d’applications client-serveur, Ndlr).
De nouvelles vulnérabilités ont été découvertes et nous avons publié un correctif cumulatif permettant de corriger toutes les vulnérabilités découvertes dans le composant RPC. Entre temps, des vers comme Blaster ont vu le jour, ce qui rétrospectivement signifie qu’il était souhaitable de sortir un premier correctif corrigeant la première vulnérabilité sans attendre les résultats de l’investigation qui avait été lancée en parallèle.
Pour ce problème explicite, il s’est avéré que le problème ne résidait pas dans l’architecture de RPC elle-même, telle que définie par les standards, mais dans
une erreur de programmation lors de son implémentation dans les produits Microsoft qui n’a pas été détectée lors de nos revues de code, ni par nos outils. Depuis, ceux-ci ont été améliorés pour en tenir compte.
Robert Rivière, consultant en sécurité pour un ministère français, affirme que RPC
est obsolète à l’heure où existent des tunnels tels que SSL, qui permettent de chiffrer, de crypter l’information. Sachant que RPC est un de vos protocoles de base,
quelle est votre réaction à ces remarques ?
RPC est un moyen d’appeler un service donné à distance. SSL est un moyen de créer un canal sécurisé entre deux applications. L’un ne remplace pas l’autre, ils peuvent être complémentaires. D’une manière générale, nous conseillons de ne pas mettre RPC directement en frontal sur Internet. Il existe de rares cas où cela est nécessaire et il faut alors, dans ces cas précis, utiliser un firewall, un pare-feu.
Il est vrai que lorsqu’on utilise un kit de connexion fourni par un fournisseur d’accès à l’internet (FAI), le port 135 (qui sert aux partage de fichiers et au protocole RPC, et que les FAI conseillent fortement de désactiver, Ndlr) est ouvert par défaut. A contrario, lorsqu’on lance la procédure de paramétrage de connexion internet sous Windows XP, le firewall de Microsoft est activé par défaut. Il permet donc de parer aux failles de sécurité utilisant le protocole RPC. Nous travaillons d’ailleurs avec les FAI pour qu’ils automatisent eux aussi l’activation par défaut du firewall, que ce soit celui de Microsoft ou un autre, d’ailleurs.
Quelle est la politique interne de Microsoft, face à ces problèmes de sécurité ?
Microsoft a lancé en janvier 2002 une initiative d’envergure appelée "Informatique
de confiance" qui regroupe des travaux sur la sécurité, le respect de la vie privée, la fiabilité et l’intégrité des fournisseurs. Depuis lors, nous avons par exemple re-formé 18 000 développeurs à l’écriture de code sécurisé. Nous avons également consacré des périodes entières à la revue de code.
Par exemple, le développement de Windows Server 2003 a été arrêté pendant 10 semaines à partir de février 2002. Cette version de Windows est la première à mettre en oeuvre la règle des SD³+C : Sécurisé dès la conception, Sécurisé par défaut, Sécurisé lors du déploiement + Communications. Ainsi, quatre mois après sa sortie, Windows 2003 Server s’était vu corrigé de trois vulnérabilités seulement, contre six pour le lancement de Windows 2000 et dix pour celui de Windows XP.
La liste de discussion Bugtraq a longuement évoqué la possibilité que Microsoft rende automatiques les mises à jour de Windows, par défaut. Qu’en pensez-vous ?
En matière de réponse aux vulnérabilités, nous considérons notre travail terminé
quand nos utilisateurs sont protégés, c’est-à-dire quand ils ont installé le correctif, et non pas quand ledit correctif est disponible en ligne. Aujourd’hui, nous constatons que si de nombreux utilisateurs se tiennent à jour, nombreux sont également ceux qui ne maintiennent pas leurs systèmes à jour.
Le composant "Mise à jour automatique" disponible dans les dernières versions de Windows permet à l’utilisateur d’être notifié du fait que de nouvelles mises à jours sont disponibles. Toutefois, certains utilisateurs novices trouvent encore trop contraignant de devoir agir pour que les correctifs soient installés. C’est pourquoi nous leur offrons d’ores et déjà la possibilité de faire des installations complètement automatisées, pour qu’ils soient tranquilles.
En aucun cas, nous ne forcerons la mise à jour d’un système. Le propriétaire du système restera libre de son choix. Par ailleurs, nous étudions également la possibilité d’activer le pare-feu par défaut pour que nos utilisateurs soient protégés par défaut.
Le PDG de Microsoft Steve Ballmer a récemment évoqué une politique de "sécurisation du périmètre" et un éventuel rapprochement avec un éditeur d’antivirus. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Microsoft continue à focaliser son travail pour aider les utilisateurs de ses
technologies à se sécuriser puis à rester en sécurité. En particulier, pour le grand
public, nous avons publié le site "3 étapes pour sécuriser votre
PC". En résumé : se protéger avec un pare-feu, se tenir à jour au niveau des correctifs de sécurité, avoir un antivirus à jour.
Le pare-feu intégré de Windows XP peut aider à éviter que des personnes
malintentionnées ou des virus puissent arriver à se connecter via Internet au PC de
l’utilisateur. Par exemple, le pare-feu protège des attaques RPC mentionnées
ci-dessus. Le fait de se mettre à jour permet de protéger le PC en éliminant les vulnérabilités connues afin que celles-ci ne puissent pas être utilisées contre l’utilisateur.
Le système de "Mise à jour automatique" repose lui sur une technologie de téléchargement intelligente qui n’utilise que la bande passante libre et qui permet ainsi de récupérer les correctifs par petits morceaux, de manière transparente. Ceci est
particulièrement important pour les utilisateurs de liaisons Internet bas débit.
Enfin, l’antivirus protège contre les virus connus qui pourraient par exemple se trouver dans un fichier téléchargé ou reçu par messagerie.
Il s’agit là de trois étapes universelles permettant de se protéger des attaques actuelles et futures.