L’avocat spécialiste analyse les attaques des majors du disque contre les particuliers
Le lobby américain de l’industrie musicale (Recording Industry Association of America) s’en prend pour la première fois aux particuliers. Cette semaine, la RIAA a porté plainte contre 261 particuliers soupçonnés d’avoir distribué des milliers de chansons sur Internet sans autorisation. La mère d’une jeune Américaine de 12 ans doit s’acquitter de la somme de 2000 dollars pour éviter un procès. Cette offensive pose la question des risques encourus par les utilisateurs des réseaux internationaux d’échange de fichiers, comme Kazaa ou eMule.
Avocat au barreau de Paris, Cyril Rojinsky dirige également la recherche et la rédaction de solutions juridiques pour EUCD.INFO, une émanation de la Fondation pour le logiciel libre France (FSF France). Mis en place en décembre 2002, ce groupe de travail s’est donné pour but de proposer des alternatives au projet de loi relatif à la transposition de la directive européenne protégeant les droits d’auteurs concernant les oeuvres sur les supports numériques. Il nous livre son analyse juridique de la situation, d’un point de vue français.
La RIAA multiplie les procédures judiciaires contre les utilisateurs de système d’échange de pair à pair. En droit, qu’est-ce qui constitue un délit lorsqu’un internaute utilise ce type de logiciel ?
Cyril Rojinsky : Le fait de mettre à disposition de tiers une oeuvre protégée sans l’autorisation des titulaires des droits constitue une contrefaçon. Ceci est passible d’une sanction pénale et civile. Peu importe qu’il en soit fait un usage marchand ou non. En revanche, l’utilisateur égoïste d’un système d’échanges en ligne, s’il charge des fichiers sans jamais en mettre à disposition sur le réseau, se trouve dans le champ de la copie privée et ne pourrait être inquiété judiciairement.
Pour engager des poursuites contre les utilisateurs, la RIAA a cherché l’adresse IP d’ordinateurs contrevenants, puis a obtenu des fournisseurs d’accès à internet (FAI) les coordonnées des contrefacteurs. Ce scénario est-il envisageable en France ?
Non. Il est interdit de divulguer à un tiers non autorisé des données personnelles qui pourraient porter atteinte à l’honneur, à la réputation ou à la vie privée. Les fournisseurs d’accès ont l’obligation de respecter la loi Informatique et libertés.
Néanmoins, dans le droit français, il existe des outils juridiques et des procédures qui permettent de s’adresser à un juge très facilement et d’obtenir sous son contrôle ce genre de données. Mais curieusement, jusqu’à présent, les titulaires de ces droits n’ont jamais essayé d’obtenir l’identité de "Kazaanautes" et autres utilisateurs de systèmes d’échanges P2P (On a entendu parler plusieurs fois de perquisitions et de saisies de disques dur au domicile d’utilisateurs ayant téléchargé de la musique ou des films, mais sans confirmation, ni condamnation judiciaire, Ndlr).
A quel genre de sanctions s’exposent les utilisateurs français ?
Des sanctions pénales, soit 2 ans de prison et 300 000 euros d’amende au maximum.
Comment expliquez-vous cette offensive de la RIAA contre les simples utilisateurs, au risque de réduire à néant leur image aux yeux du public ?
Les majors savent que les échanges de pair à pair sont un phénomène qu’ils ne pourront endiguer qu’en proposant une offre séduisante, légale... Une offre qui n’existe pas actuellement parce qu’ils ont clairement raté le coche de l’internet à trop vouloir éviter de réduire leur marge.
Dans un premier temps, la RIAA a essayé de taper sur les fournisseurs d’accès à internet. Toutefois, la directive européenne sur le commerce électronique a ôté toute responsabilité aux FAI. Après cet échec, ce fût au tour des fournisseurs de solutions informatiques d’être la cible des attaques judiciaires de la RIAA. Je vous rappelle la décision du 25 avril dernier, au terme de laquelle un tribunal américain a jugé que les fournisseurs de logiciel comme Kazaa, Morpheus ou Gnutella ne violaient pas les droits d’auteur en mettant leur logiciel à disposition des internautes. Ce jugement a constitué un nouvel échec judiciaire cuisant pour les représentant des majors. Il ne leur reste donc plus qu’à taper sur les internautes.
Le site du groupe de travail EUCD.INFO:
http://eucd.info
Copie privée: la France plus répressive que l’Europe (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9030