Deux établissements scolaires catholiques d’Angers utilisent des systèmes de reconnaissance biométrique, qui s’appuient sur les empreintes digitales des élèves pour vérifier leur accès à la cantine. Ces procédés sont en infraction avec la réglementation puisqu’ils n’ont pas fait l’objet de déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). La Commission désapprouve de toute façon le recours aux empreintes digitales dans le cadre scolaire.
Depuis 1999, l’accès à la cantine de l’Institution Immaculée Conception d’Angers, un établissement d’enseignement catholique allant de la maternelle au collège, est réglementé par un système de reconnaissance biométrique basé sur les empreintes digitales.
12 points, un algorithme
Tous les midis, les 350 élèves de primaire et de collège souhaitant se restaurer doivent apposer un de leurs pouces sur un lecteur optique. Selon la technologie développée par le constructeur français Sagem, douze points de l’empreinte digitale sont alors comparés, via le travail d’un algorithme, au gabarit correspondant à l’élève, stocké dans la base de données de l’école. Officiellement, ce serveur ne conserve cependant pas l’image des empreintes numérisées en début d’année.
"Cela nous permet de contrôler que les enfants sont bien au self, ce qui est une obligation de notre part vis-à-vis des parents, explique Thierry Renard, l’économe de l’Immaculée Conception qui a mis en place le système. Ensuite, d’après le nombre de passages de l’élève au self, on peut adresser un relevé de facturation aux familles."
Pour ce responsable, l’avantage du procédé est surtout... économique : "La gestion des cartes de cantine était assez pénible avec les élèves de primaire, qui la perdent sans arrêt. Cela revenait environ à 8000 F (1219 euros) par an à l’établissement. La technologie Sagem coûtait environ 20 000 F (3048 euros), on pouvait donc l’amortir en deux ans. De plus, les parents n’avaient plus à payer à chaque fois que leur enfant perdait leur carte d’accès."
"A six ans, ça passe bien"
Si le système n’a pas été étendu aux élèves de maternelle de l’Immaculée Conception, c’est principalement pour des raisons techniques. "A cet âge-là, les empreintes digitales sont trop petites pour être reconnues avec fiabilité par la technologie, explique Thierry Renard. Mais, à partir de six ans, ça passe bien."
Selon lui, l’introduction de la biométrie dans l’établissement aurait été bien acceptée par les élèves et les familles. "Récemment, un parent nous a dit que ce n’était pas légal, mais, vous savez, vous trouvez toujours quelqu’un qui n’est pas d’accord. De toute façon, les gens ont la liberté de venir ou de ne pas venir...", estime Thierry Renard, qui indique avoir été plusieurs fois contacté par d’autres établissements, intéressés par la technique mise en place.
Des émules dans la région
L’exemple de l’Immaculée Conception a visiblement inspiré un autre établissement catholique angevin, le collège Jeanne-d’Arc, qui accueille environ 500 élèves. Si le directeur du collège n’a pas souhaité répondre aux questions de Transfert, un membre du personnel nous a indiqué qu’un système basé sur la reconnaissance des empreintes digitales fonctionnait depuis deux ans.
Selon nos informations, la Cnil s’apprêterait d’ailleurs à contacter le collège pour une demande de renseignements. En effet, tout traitement automatisé d’informations nominatives doit faire l’objet d’une déclaration à la Commission, ce qui ne serait pas le cas de Jeanne-d’Arc.
"La déclaration préalable est obligatoire pour tout le monde, sauf quelques rares cas particuliers, rappelle Thierry Jarlet, de la Cnil. Or, nous avons peu de déclarations concernant les collèges et les lycées."
Situation illégale
A l’Immaculée Conception, on estime être en règle avec la législation. "Nous avons fait une déclaration qui est enregistrée à la Cnil", explique Thierry Renard, l’économe de l’établissement.
Une affirmation que réfute clairement la Cnil. "Leur déclaration concerne la simple gestion des élèves et date de 1988. Nous n’avons rien à propos d’un système de reconnaissance des empreintes digitales pour la cantine, explique Fatima Hamdi, qui suit le secteur scolaire à la Commission. Au regard des dispositions de la loi Informatique et Libertés, la situation de ce collège est donc illégale."
Ce membre de la Cnil précise qu’à ce jour, la Commission n’a reçu que trois déclarations d’établissements scolaires à propos de technologies biométriques."
En 2000, la Commission avait rendu un avis défavorable au projet du collège niçois Jean-Rostand de recourir à l’identification des empreintes digitales pour gérer l’accès à la cantine. L’avis de la Cnil estimait alors la technique employée "disproportionnée" par rapport au but poursuivi.
En revanche, l’autorité de défense des libertés avait autorisé en octobre 2002 le collège Joliot-Curie de Carqueiranne (Var) à mettre en place un système de reconnaissance du contour de la main.
Enfin, un troisième dossier serait en cours d’instruction, celui d’un collège de la banlieue parisienne, souhaitant lui aussi numériser la main entière, et non les seules empreintes digitales.
"Les empreintes digitales nous posent problème, même lorsque leur image elle-même n’est pas conservée dans la base de données, explique Thierry Jarlet. Car si la police trouve une empreinte, elle peut, grâce à l’algorithme utilisé par le prestataire technique, reconstituer un gabarit et le comparer à celui stocké dans l’établissement."