La ville de Biloxi, dans l’état du Mississipi, est devenue en août la première ville américaine à équiper chaque classe de ses écoles d’une webcam reliée à internet. Ce dispositif de surveillance, accessible en permanence aux responsables éducatifs ainsi qu’aux forces de l’ordre, laisse cependant sceptiques certains personnels.
Depuis le 11 août, date de la rentrée scolaire, toutes les salles de classe des écoles publiques de Biloxi sont équipées de webcams reliées à internet. Placés dans un plafonnier, ces dispositifs de vidéosurveillance filment en continu, mais sans enregistrer le son, ce qui se passe dans les 11 établissements (dont 7 écoles primaires) que compte la ville.
Les 6500 élèves n’ont qu’à bien se tenir. Car, munis d’un mot de passe, les directeurs d’établissement, les responsables éducatifs du district et les agents de sécurité peuvent visionner en direct, depuis n’importe quel ordinateur connecté au Net, le déroulement des cours. En cas d’incident, les forces de police peuvent également accéder aux images enregistrées.
Lancée il y a trois ans à l’initiative du district, l’installation de caméras aurait coûté quelque 2 millions de dollars, financée par les recettes liées à la présence d’un casino.
Un voleur de... 7 ans
Petite ville de 50 000 habitants sur les bords du golfe du Mississippi, Biloxi ne souffrait pourtant pas spécialement de la violence scolaire. "Il n’y a pas de problèmes particuliers dans nos écoles, reconnaît le Superintendent Larry Drawdy, le plus haut responsable local en matière d’éducation et l’initiateur du projet. Nous voulons juste rendre nos établissements encore plus sûrs pour donner confiance aux parents, aux élèves et aux enseignants."
Selon lui, "le dispositif n’est pas un moyen d’arrêter les auteurs de méfaits, mais plutôt un système préventif pour éviter les problèmes en matière de sécurité."
Peu importe donc qu’en trois ans les caméras n’aient enregistré aucun fait grave, Larry Drawdy reste convaincu de leur utilité. Et cite, en exemple, une affaire survenue l’an dernier : "Une petite fille de 7 ans avait posé une bague sur son bureau et elle avait disparu. Le prof avait fouillé toute la classe, sans résultat. Les parents étaient très en colère. En visionnant les enregistrements, le directeur d’école a vu qu’un petit garçon avait mis la bague dans sa poche. Les images servaient de preuve, le garçon ne pouvait pas nier l’avoir dérobée..."
Selon le Superintendent, l’installation de webcams a reçu un accueil formidable de la part de la population. "Nous n’avons jamais entendu la moindre plainte", dit-il. Mais pas question pour autant de laisser les parents utiliser le dispositif pour regarder les cours de leur enfant.
"Cela ne me dérange pas que les parents surveillent leur enfant mais le fait qu’ils puissent voir les autres élèves pose problème", explique Larry Drawdy. En cas de problème, seule la décision d’un tribunal donnera aux parents l’autorisation d’accès aux images.
Vie privée contre sécurité
Le soutien des enseignants, qui ne peuvent refuser d’être filmés, aurait, lui aussi, été total. "Dans une école, nous avons essayé de réserver aux profs une salle sans caméra. Ils ont refusé", sourit le responsable du district.
Un sentiment que ne partage pas Maryann Graczyk, présidente pour le Mississippi de l’American Federation of Teachers. "Par respect pour le processus démocratique, nous semblons prêts à sacrifier une grande part de notre vie privée... au profit de la sécurité. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose", explique cette syndicaliste, citée par l’Associated Press.
Curt Lavarello, directeur exécutif de la National Association of School Resource Officers, qui forme et fédère les agents de sécurité dans les écoles, émet lui aussi des doutes sur l’efficacité du système de vidéosurveillance : "On perd le contact individuel direct dont nous avons tant besoin. Des caméras ne peuvent remplacer le facteur humain."
Ces critiques ne tempèrent pas l’enthousiasme du Superintendent du district, pour qui le bilan de l’opération est "très positif". Les deux nouvelles écoles, dont l’ouverture est prévue en 2004, seront naturellement pourvues de caméras. "Jamais plus, assure Larry Drawdy, je ne construirai de nouveau bâtiment scolaire sans l’équiper de webcams."