Plus d’opacité pour gêner les terroristes... et les associations
Un arrêté du 24 juillet 2003 stipule que les informations concernant le stockage, la protection, la comptabilité et le transport des matières nucléaires sont désormais classés secret défense. La décision concerne également la préparation des exercices de crise relatifs à la protection des matières nucléaires. Officiellement destinée à éviter les attentats terroristes, cette mesure limite aussi la marge de manoeuvre des associations anti-nucléaires, qui dénoncent "la couche d’opacité supplémentaire qui entoure le nucléaire".
Dans quel but l’arrêté du 24 juillet a-t-il été rédigé ? Pour Didier Lallemand, haut fonctionnaire de la Défense au ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et signataire du texte, les opérateurs du nucléaire ne disposaient pas, avant cet arrêté, d’un cadre légal définissant de façon précise les documents qui relèvent du secret défense. "Les textes de lois étaient flous, les opérateurs ne savaient pas sur quels documents apposer leurs tampons ’secret défense’", explique-t-il.
L’arrêté clarifie en effet la situation : la diffusion des informations concernant le stockage et le transport des matières nucléaires est désormais "de nature à nuire à la défense nationale et à la sureté de l’Etat", selon la définition du secret défense.
Au-delà d’une meilleure définition d’un cadre légal pour l’industrie du nucléaire, Didier Lallemand ne cache pas que l’arrêté "s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les terroristes". "Il s’agit de ne pas leur faciliter la tâche, et de ne pas les inciter, à cause d’un surcroît d’informations, à s’attaquer à des cibles contenant des matières nucléaires", avance le haut fonctionnaire.
En tentant d’empêcher les terroristes d’agir, Didier Lallemand reconnaît qu’il limite le champ d’action des associations telles que celles qui bloquent des convois transportant des matières nucléaires. S’il se déclare prêt à recevoir les militants anti-nucléaire, il considère toutefois "qu’un certain nombre d’informations doivent, de toute façon, rester secrètes".
Action ou information ?
"Cette décision est en totale contradiction avec le discours des politiques qui prônaient la transparence après la catastrophe de Toulouse !", s’emporte Jacky Bonnemains, le président de Robin des Bois. Aux côtés de Greenpeace et du Réseau Sortir du nucléaire, cette association a déjà mené des actions d’interception de matières nucléaires et d’information des populations, dans les communes traversées par ce type de convois.
"Pourquoi l’industrie chimique n’est-elle pas visée par cet arrêté ? Alors que celle-ci est obligée de communiquer sur les exercices de crise destinés à la protection des personnes, l’industrie du nucléaire est tenue au secret ! renchérit le président de Robin des Bois. Quant aux transports, ceux qui concernent le chlore ou le phosgène sont tout aussi dangeureux ! Une fois de plus, le nucléaire, une industrie militaire, se pare d’une couverture de confidentialité qui nous semble aberrante".
Les informations sur le transport et le stockage des matières nucléaires relevant désormais du secret défense, les associations qui les diffusent risquent de plus lourdes peines. "Lors des actions d’interception de convois que nous avons menées, nous n’avons été poursuivis par la justice que lorsque nous bloquions des trains ou des bateaux pendant une longue durée, jamais en raison de l’information que nous avons diffusée", explique Jacky Bonnemains.
Cette menace de sanctions incitera-t-elle les associations anti-nucléaire à cesser ce type d’action destinée à informer le public ?
"En lisant l’arrêté, je comprends que c’est à l’exploitant d’assurer la restriction de la diffusion des données, pas à nous ! note Jean Yvon Landrac, membre du Réseau Sortir du nucléaire. Je compte donc continuer à faire mon devoir d’information, et si la ’justice’ me cherche des noises, on s’en servira pour alerter l’opinion."
L’arrêté du 24 juillet 2003:
http://www.admi.net/jo/nor/?code=IN...
Le site du réseau Sortir du Nucléaire:
http://www.sortirdunucleaire.org
Un militant anti-nucléaire fait du transpotting à Bordeaux (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8860