Loïc Dachary
a développé un logiciel libre pour lire et modifier les "tags" RFID, ces petites étiquettes intelligentes à indentifiant unique qui communiquent par ondes radio (lire notre article). Développeur au département de recherche sur les interfaces homme/machine à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), ce représentant français de la Free Software Foundation pense que le fait que son logiciel soit libre peut aider à combattre le potentiel de surveillance et de restriction de la vie privée que porte la technologie RFID.
"Il était important que les tags RFID soient une technologie libre, accessible à tous", explique Loïc Dachary, qui a publié cette semaine un logiciel qui permet aux ordinateurs de piloter un lecteur de tags RFID. "Le logiciel permet de savoir quand le tag rentre et sort du champ de l’appareil de lecture et de lire ou modifier les informations qui se trouvent sur le tag, qui est en fait une petite zone mémoire sans fil qui contient entre 32 octets et 8 kilo-octets d’information."
Démocratiser la technologie
Publié en licence GPL (General Public License), ce petit "driver" peut être utilisé et modifié librement par toute personne, qui s’engage à reverser au projet les éventuelles améliorations qu’il aura apportées. "Ainsi, la technologie RFID est démocratisée. Chacun peut savoir ce qu’il y a sur les étiquettes et essayer de les modifier, ce qui est impossible avec les logiciels propriétaires", explique Dachary, qui travaille au sein d’une équipe internationale au Laboratoire de recherche en informatique (LRI) d’Orsay, pour le compte de l’Inria. "C’est très important car aujourd’hui, seuls les grands groupes financent les recherches dans ce domaine. Et ils voient dans cette technologie un grand potentiel de surveillance et de traçage."
En effet, la technologie RFID, qui associe un numéro d’identifiant unique et inamovible à chaque étiquette, est dénoncée par beacoup comme liberticide et dangereuse pour la vie privée (lire notre article). "Communiquant par ondes radio dans un rayon de 1,5 m autour d’un lecteur, le tag RFID peut permettre de tracer une voiture dans un parking, des gens dans un immeuble ou des objets et des produits portés par des personnes", explique Loïc Dacahary.
A l’Inria, les RFID sont une des pistes étudiées pour renouveler les interfaces homme/ordinateur afin de les rendre moins compliquées, et de supprimer les longues listes de boutons et de menus. "Les tags RFID font partie des interfaces dites tangibles, des objets qui permettent de faire une action simplement. Par exemple, un enfant peut approcher un CD d’un lecteur RFID, qui lit le tag et lance la musique, alors que le gamin ne sait pas forcément faire marcher la chaîne hifi", explique Loic Dachary, qui a aussi présenté la semaine dernière un système de messagerie vidéo par webcam qui utilise les tags RFID comme support.
"Petit problème de conscience"
Pour combattre le potentiel liberticide du RFID, l’équipe de recherche sur les interfaces homme/machine s’est penchée sur le problème, dès le début du projet RFID, en mars dernier. Il a parallèlement soumis son "petit problème de conscience" à la sagacité des abonnés de la liste de discussion de la Free Software Foundation, très influente dans le milieu du logiciel libre. "Nous en avons conclu qu’il fallait ajouter dans le manuel du logiciel un texte mettant en garde contre les risques pour la vie privée", explique Loïc Dachary. Le développeur a donc mis en ligne sur le site du projet un avertissement intitulé "Aidons à rendre le RFID inutile pour Big Brother".
Un autre problème précis est le fait que le standard ISO 15693 qui régit la technologie RFID ne permet pas de désactiver un tag de façon permanente. "Ils ne l’ont même pas prévu, ce qui est une liberté de moins pour les citoyens. Nous avons donc envoyé deux messages aux gens de Texas Instrument qui s’occupent de la standardisation ISO pour ce domaine, pour leur demander de le faire." Dachary espère que, si sa proposition est intégrée à la norme, cela sera une incitation positive pour les fabricants de tags.
"Nous essayons simplement de ne pas faire de la science sans conscience", résume en souriant Loïc Dachary, qui dit ne pas être contre l’idée d’un moratoire sur la technologie ou d’une loi rendant la labellisation obligatoire, comme proposés par l’ONG américaine Caspian (lire l’interview de sa directrice). "Nous ne voulions pas dire que d’autres se préoccuperaient des problèmes de vie privée à notre place. Il faudrait même que dans les centres de recherche, il y ait systématiquement des fonds et des personnes dédiées aux questions ethiques." Charité bien ordonnée...
Loïc Dachary:
http://www.dachary.org/loic/
RFID C library:
http://savannah.nongnu.org/projects...
Lab Id, pionnier italien des étiquettes intelligentes (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8596
Une ONG américaine propose une loi pour encadrer les codes-barres du futur (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9022
Interview de Katherine Albrecht: "Benetton est socialement irresponsable" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8582
Texas Instruments Registration and Identification System
http://www.ti.com/tiris/docs/about/...