Le fameux dj de drum n’ bass aide des jeunes en difficulté a reprendre le rythme de l’école
Alexandre Volta, 28 ans, est une des figures de la scène drum n’ bass française. Il est aussi, depuis janvier 2002, professeur de musique au Pôle des pédagogies spécifiques. Ce pôle du lycée Jean Turçat (Paris 13e) accueille des jeunes de 16 à 20 ans qui ont "décroché" de l’école (lire notre article. Christian Vanin, le père de la partie multimédia de ce projet, l’a rencontré grâce à Guillaume Sorge, ex-animateur de la rubrique musiques électroniques du site de Canal Plus et fondateur du site D*I*R*T*Y, dédié lui aussi aux musiques électroniques. Après avoir appris des bases théoriques du son à la faculté de cinéma de Paris VIII Saint-Denis, Alexandre Volta s’est mis à la composition avec des amis du milieu. Depuis ses débuts comme DJ à l’âge de 16 ans, il a appris sur le tas. Il tente aujourd’hui de transmettre son savoir à des jeunes qui n’ont souvent jamais touché un ordinateur, lors de l’atelier hebdomadaire qu’il anime au lycée Jean Turçat. Les morceaux que ses élèves produisent sont publiés sur le site de l’école. Avec son compère FX909, Volta a sorti en octobre 2002 son premier album intitulé "Perspectives", sur le très bon label Black Tambour (Montpellier).
En commençant votre atelier de musique avec les élèves "décrocheurs", avez-vous été surpris ?
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en ce qui concerne le niveau des élèves. Ils oscillent entre l’équivalent des classes de 4e et de seconde mais ont de toute façon des lacunes. Ce n’est pas évident de capter leur attention quand ils ne sont pas seuls derrière l’ordinateur. Les menus des logiciels en anglais leur posent aussi des problèmes. Mais ça se passe bien, ils sont super productifs : chaque semaine, quand je reviens en classe, mes élèves ont créé entre un et quatre nouveaux morceaux ! Ce n’est pas publiable tel quel, mais ils se creusent bien la tête...
La musique électronique a-t-elle une spécificité pédagogique, par rapport aux autres types de création numérique enseignés au Pôle ?
Dans mon atelier, j’ai commencé à vraiment toucher mes élèves en leur proposant de faire la musique qu’ils entendent à la radio. A la maison, ils écoutent Skyrock ou Générations. Ca les fait rêver de mettre un a capella d’Eminem sur un instrumental de Pete Rock... Au début, ils sont restés bloqués sur le hip hop et le R n’B mais depuis, ils se sont ouverts et leurs morceaux commencent à sonner plus house, techno ou même drum n’bass.
Au Pôle des pédagogies spécifiques, sur quel matériel travaillez-vous ?
La Boutique de formation multimédia avait acheté un ordinateur, une bonne carte son et un petit clavier, que j’ai configurés en arrivant. Nous utilisons le logiciel Sound Forge pour créer, modifier et émettre en boucle des échantillons sonores, comme des phrases vocales ou des rythmes de batterie. Puis nous les travaillons avec Acid DJ, un logiciel de séquençage qui permet de faire du montage d’échantillons de tempo différents. Cette fonction "time stretch" évite aux élèves de calculer des tempo et des fréquences, ce qu’ils trouvent trop compliqué.
Etes vous particulièrement fier des progrès réalisés par certains élèves ?
Michaël, qui n’avait jamais touché un ordinateur avant d’arriver dans mon cours, assure aujourd’hui la maintenance du PC dédié à la musique ! Il a 16 ans et fait partie des deux élèves qui ont suivi mon atelier jusqu’au bout, jusqu’aux phases de production proprement dites. L’autre s’appelle David, il a 18 ans et est dj dans des soirées. Il avait déjà quelques contacts avec des rappeurs mais il possède maintenant sa propre configuration à la maison et a pu faire des scratches qui finiront sur un album, dans le cadre d’un stage effectué dans un studio d’enregistrement.
A partir de votre expérience, souhaitez-vous faire évoluer votre cours à l’avenir ?
Je veux faire encore plus de composition musicale et non plus de simples collages de samples. Depuis mars, les élèves travaillent sur le logiciel Reason, qui leur donne une idée beaucoup plus précise de ce qu’est un vrai studio. Avec les émulations de synthétiseur, de samplers et d’effets qu’offre ce logiciel, ils commencent à chercher des mélodies personnelles sur le clavier et à composer leurs propres rythmes bout par bout. Nous souhaitons aussi, avec Christian Vanin, mettre en place des stages plus intensifs, sur plusieurs jours, pour pouvoir aller au bout d’un morceau sans attendre la semaine suivante. Je pense que cela permettra aussi de toucher plus d’élèves.
Quels sont les débouchés pour les élèves ? Existe-t-il des formations aux musiques électroniques ?
Il n’y pas grand chose, je rencontre moi-même le même problème ! Si on n’a pas les moyens de se payer une formation privée, il ne reste que les écoles publiques comme Louis Lumière ou la Femis. Ces structures issues du cinéma sont très techniques : pour y accéder, il faut le bac puis faire un prépa, alors pour des jeunes qui à 15 ans en ont déjà marre de l’école... L’Etat propose aussi des formations, mais elles sont réservées aux chômeurs, plus âgés, qui ont déjà travaillé. Pour mes élèves, le seul débouché réaliste, ce sont les stages mais ils sont souvent trop courts pour leur permettre d’apprendre quelque chose. Personnellement, je leur conseille de continuer sur la voie scolaire. Il faut un minimum de connaissance en maths, en anglais et en physique pour faire la musique qu’ils ont dans la tête...
Le site du Pôle des pédagogies spécifiques:
http://lvpe-li.scola.ac-paris.fr
Le site du lycée Jean Lurçat:
_ http://lyc-jean-lurcat.scola.ac-paris.fr
La galerie des productions des élèves du Pôle:
http://lvpe-li.scola.ac-paris.fr/at...
Les Décrocheurs d’école, livre co-écrit par le proviseur du lycée Jean Lurçat (éditions La Martinière):
http://www.lamartiniere.fr/editeurs...
Un entretien avec Gérard Longhi, proviseur et co-auteur des Décrocheurs d’école:
http://www.cafepedagogique.net/disc...