Le fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, a récolté à peine un septième de l’argent promis à sa création en 2000, lors du sommet du G8 d’Okinawa au Japon. Le but de ce fonds : faciliter la prévention et l’accès aux traitements. Trois ans plus tard, et après une année de fonctionnement effectif, plusieurs ONG, dont Médecins sans frontières (MSF), appellent les pays riches à tenir leurs engagements.
Le fonds mondial, placé sous la tutelle du secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, est censé recevoir 7 à 9 milliards de dollars chaque année. Or les promesses de dons des contributeurs (des Etats du Nord pour l’essentiel) ne dépassent pas 2,3 milliards de dollars pour les années 2002 à 2004.
Tuberculose et paludisme presque oubliés
A ce jour, le fonds n’a effectivement perçu qu’un peu plus de 1,1 milliard de dollars. Selon les estimations de l’ONG américaine Aidspan, les actions déjà engagées sur le terrain nécessiteront un investissement de près de 7 milliards de dollars, toujours pour les années 2002 à 2004.
Et ce chiffre reste très loin de répondre aux besoins réels des populations du tiers-monde. L’essentiel des projets mis en place concerne la lutte contre le Sida. Le fonds finance proportionnellement très peu d’initiatives visant la lutte contre la tuberculose et le paludisme, au moins aussi mortifères que le virus HIV.
Caroline Livio, de MSF, s’inquiète de cette situation : "Le montant perçu est tellement faible qu’il ne permettra même pas d’honorer les dernières opérations de soin et de prévention mises en place." Trois vagues d’appels à projets ont été lancées depuis 2002. Le budget des deux premières est bouclé. La troisième tranche est censée l’être dans les premiers jours de juin, à condition de trouver l’argent nécessaire.
Parmi les bénéficiaires de ces projets, on trouve par exemple le ministère de la santé thaïlandais, qui a reçu l’accord du Fonds pour une aide de 38 millions de dollars. Cette somme permettra au programme local de lutte contre le sida, jugé exemplaire pour son efficacité, de compenser une panne de financement consécutive à la crise économique asiatique.
De nombreuses autres initiatives, en Afrique du Sud, au Panama ou encore au Maroc, vont également pouvoir démarrer grâce à l’appui du Fonds. " Les besoins sont là ", confirme-t-on à MSF.
L’ONG rappelle, non sans ironie, que la France a "généreusement" promis de verser 150 millions de dollars sur trois ans. La première tranche de 50 millions de dollars aurait, selon MSF, été débloquée dans les jours précédents la dernière journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2002.
"Jacques Chirac a fait des déclarations officielles selon lesquelles la France poursuivrait son soutien et entraînerait ses ’camarades’ du G8", observe Caroline Livio. La contrepartie pécuniaire de cet engagement se fait toujours attendre.
Des patients tirés au sort
Aux Etats-Unis, George Bush a annoncé le déblocage de 15 milliards de dollars. Toutefois, cette somme ne devrait pas être versée au fonds, mais consacrée au soutien des recherches de l’industrie pharmaceutique.
"Ce n’est pas un mauvais investissement, car il faut que l’industrie poursuive ses recherches, observe Caroline Livio. Le problème, c’est que dix ans peuvent passer avant que des résultats soient obtenus. Pendant ce temps, sur le terrain, il y a urgence".
Pour les ONG, les questions cruciales sont la mise sur pied d’infrastructures sanitaires, le dépistage à grande échelle et l’accès rapide des malades de pays en développement à des traitements dont le coût dépasse en général les revenus moyens locaux.
Faute d’argent, les associations de lutte contre le sida ne disposent parfois que de peu de traitements anti-rétroviraux. Conséquence : certaines en sont souvent réduites à tirer au sort parmi leurs patients les noms de ceux qui pourront bénéficier d’une trithérapie.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme:
http://www.globalfundatm.org
Le site de la campagne "Sida-urgence G8", qui réunit 165 associations du monde entier:
http://www.sida-urgenceg8.org
«Le G8 ne fait pas l’effort nécessaire» [Bernard Rivers, de l’ONG Aidspan] (Transfert):
http://www.transfert.net/a8891