Comment je me suis brouillé (mon abstinence télévisuelle)...
Peu relayée en France, la "Semaine sans télé", du 21 au 27 avril, bénéficie du soutien de dizaines d’institutions et de milliers de professionnels de l’éducation et de la santé outre-Atlantique.
"Notre dépendance nationale à la télévision est malsaine pour nos esprits, nos corps, nos familles et nos communautés", avance TV Turnoff network, organisateur de la semaine sans télé.
Créé en 1994, ce réseau bénéficie du soutien de plus de 70 associations, comme l’American Academy of Pediatrics, l’American Medical Association, l’American Psychiatric Association, la National Education Association ou encore les célèbres auberges de jeunesse YMCA.
Plus de télé que d’école
Sticker "officiel" de la campagne US (DR)
Forte de 17 000 bénévoles, "médecins, éducateurs, parents, religieux", la campagne espère, par ses actions locales, toucher 7 millions d’enfants aux Etats-Unis cette année.
Aux Etats-Unis, les enfants passeraient plus de temps devant leurs postes de télévision qu’ils n’en passent à l’école : 1000 heures par an, en moyenne. Les Américains passeraient ainsi, en moyenne, chaque année, deux mois rivés devant leurs petits écrans. La consommation de télévision y aurait augmenté de 40% chez les scolaires depuis 1994.
Dans une démarche d’activisme sanitaire et socio-éducatif, TV-Turnoff Network demandait le 21 mars dernier, officiellement à la Federal Communications Commission, l’équivalent américain du CSA, d’enjoindre les réseaux télévisés à diffuser périodiquement des messages d’avertissement de type "la consommation excessive de télévision est nocive pour la santé et l’éducation des enfants".
En France, où la télé est regardée 3h30 par jour en moyenne, soit une heure de plusqu’il y a vingt ans, la "Semaine sans télé" est bien moins relayée.
La pub particulièrement visée
Le collectif Casseurs de pub et son grand frère canadien Adbusters, tous deux créés par d’anciens publicitaires, ont contribué à faire connaître l’initiative sur Internet. Mais en font un combat plus politique.
Les collectifs lancent par exemple une série d’actions de protestation en mesures de rétorsion contre la chaîne musicale MTV, entre autres initiatives dites de "culture jamming", une forme de brouillage culturel et médiatique.
La chaîne musicale avait en effet refusé de diffuser le spot "d’anti pub" concocté par Adbusters pour la semaine sans télé, au motif que le message irait à l’encontre des intérêts de la chaîne.
La chaîne américaine CNN avait elle accepté, contre paiement, de diffuser, le 20 avril dernier, ce spot de 15 secondes, consultable sur le site d’Adbusters
Sticker à apposer sur sa TV (Casseurs de pub)
Au programme de la version française de la Semaine sans télé, on trouve des expos, des débats et des projections, notamment celles du film "Le Tube", de Peter Entell, poète et journaliste télé. Ce film est le résultat de trois ans d’enquête au coeur de l’industrie de l’audiovisuel, auprès de scientifiques et de médecins, en vue de découvrir les effets du petit écran sur le cerveau. "Un polar à la X-Files, sauf qu’ici, tout est réel", annonce son réalisateur.
Pour Ben, l’un des Français animateurs de Casseurs de pub, la Semaine sans télé est une façon de lutter "contre l’outil publicitaire en tant que vecteur d’idéologie : Nike ne vend pas de chaussures, mais un idéal".
Chaque année, Casseurs de pub mène une série d’actions : "Journée sans achat", "Rentrée sans marques" ou "La fin de la F1", pour protester contre les incohérences du gouvernement dans la lutte pour la prévention routière.
Consommation récréative ou dépendance ?
En France, la Semaine sans télé est relayée par plusieurs collectifs dont Les Pieds dans le PAF, une association de téléspectateurs qui privilégie l’approche éducative : "On n’est pas anti-télé, déclare Denis Rougé, son président, on ne veut pas la mettre à la poubelle, mais la changer. Tout dépend de la consommation que l’on en a. Comme toute drogue, il faut distinguer la consommation récréative de la dépendance."
Vacances scolaires oblige, Les Pieds dans le PAF a mené "semaine sans télé" la semaine dernière, à Nantes et St-Nazaire. Etablissements scolaires, infrastructures socioculturelles et associations étaient réunies là aussi pour une série de débats, projections et expositions...
Sans local, ni employés permanents et encore moins subventions, Les Pieds dans le PAF peine à développer de telles initiatives à plus large échelle.