La société italienne Lab Id, créée il y a moins d’un an, est à la pointe d’un marché très prometteur : des étiquettes à identifiant unique qui émettent des ondes radio. Pour Lab Id, cette technologie "révolutionnaire", qui pourrait remplacer le code-barre, est une mine d’or. Une mine d’or qui suscite des espoirs chez les entreprises lancées sur ce créneau, mais aussi des craintes chez les défenseurs de la vie privée.
"Les étiquettes intelligentes sont basées sur une technologie fascinante, dont nous n’avons pas fini de voir les conséquences, dans tous les secteurs." Guy Ciccognani, vice-président et directeur financier de Lab Id, ne tarit pas d’éloges sur ses "étiquettes intelligentes" ou "smart tags", qui s’appuient sur la technologie RFID (radio frequency identification). Sa société de 20 employés, dont la petite usine ultramoderne est située à Bologne, revendique d’être la première à offrir une solution complète basée sur cette technologie.
Une étiquette qui vibre
"Imaginez une toute petite carte à puce qui émettrait des ondes radio", explique Guy Ciccognani. Mais alors que la carte à puce est dite ’de contact’ car il faut la mettre dans un lecteur pour y voir ou y écrire des informations, l’étiquette intelligente est dite ’de proximité’, parce qu’on peut la lire sans problème jusqu’à une distance d’un mètre cinquante." Elle contient de plus un identifiant unique réputé infalsifiable, comme les cartes à puce.
"L’étiquette est constituée d’une petite puce en silicium qui contient la partie radio et une mémoire logicielle. La puce est montée sur une antenne qui vibre à la fréquence prévue par un standard Iso spécifique. Défini il y a deux ans, ce standard est réservé à l’identification des objets et des personnes", explique Guy Ciccognani, qui insiste sur le fait que la puce, "inerte", n’émet d’ondes radio que lorsqu’on la lit ou la modifie, et ne présente donc aucun danger pour la santé. Philips, qui a mis au point la technologie RFID avec le groupe américain Texas Instruments, est partenaire de Lab Id pour le silicium.
Dans le rôle de l’expert, Lab Id a recruté Jean Hygounet, un Français. Cet ancien militaire, spécialiste des émissions hertziennes, a notammen travaillé pour Apple. Ses collaborateurs ne tarissent pas d’éloges sur ce "génie" aussi créatif qu’un "volcan", pour qui "l’électronique est une passion". Au sein de Lab-Id, ce Français a depuis été rejoint par des Américains, qui font eux aussi partie des rares spécialistes de cette technologie radio, principalement maîtrisée par les militaires.
Lab Id annonce une production annuelle de 45 millions d’étiquettes intelligentes. Chacune contient un kilooctet d’informations et son prix de vente se situe un peu en dessous d’un euro pièce. A partir de juin 2003, la capacité de production annuelle de la société passera à 80 millions de puces.
L’affaire Benetton
Lab Id est sorti de l’ombre le 11 mars dernier quand le célèbre groupe italien Benetton a annoncé qu’il intégrait des étiquettes intelligentes dans les vêtements de sa marque Sisley. Cette annonce, une des premières du genre, a suscité de nombreux articles de presse et des craintes de la part d’associations de défense de la vie privée. Rapidement, l’ONG américaine Caspian (Consumers Against Supermarket Privacy Invasion and Numbering) a lancé une campagne de boycott de Benetton, poussant la marque à se rétracter en partie.
Né dans l’orbite de Benetton, Lab Id tente aujourd’hui de s’en démarquer. Pas facile, étant donné les liens particulièrement étroits qui unissent les deux entreprises. "Nous sommes une société privée créée à partir de l’activité d’une personne qui porte le même nom que ce groupe de vêtements", explique diplomatiquement Guy Ciccognani, pour faire comprendre que Mauro Benetton, le fils aîné du fameux Luciano, est le président de Lab Id. Mauro est aussi directeur marketing du groupe présidé par son père. Auparavant, Guy Ciccognani et Marco Astorri, le directeur des ventes et du marketing de Lab Id, étaient eux aussi collaborateurs directs de Luciano Benetton, pour lequel ils menaient des "opérations de co-marketing et de grande confiance". Ciccognani, Astorri et l’ingénieur Hygounet sont associés de Lab Id, dans laquelle environ 15 millions d’euros ont été investis.
"Cette technologie suscite de très vifs intérêts, de grandes attentes mais aussi beaucoup de désinformation, argumente Guy Ciccognani. On nous parle de risques pour la vie privée comme si tout le monde allait pouvoir lire ce que vous portez sur vous par radio ! C’est ridicule ! Par contre, les gens ne se soucient pas de leur téléphone portable, qui les localisent avec une précision de trois mètres, même quand il est éteint !"
Des antennes dans le fromage
Pour Lab Id, la polémique autour de Benetton n’est qu’un accident sur une route pavée de succès. "Nous recevons chaque jour la visite de 3 ou 4 grands groupes industriels", se félicite Marco Astorri. "Les applications sont incroyables et touchent tous les secteurs, tant pour la gestion de la logistique que pour la sécurité et l’identification en général", renchérit la directeur des ventes et du marketing.
Pionnier encore discret sur un secteur appelé à exploser, Lab Id prétend choisir ses clients avec discernement et se concentre avant tout sur le secteur du luxe. "L’identifiant unique de nos étiquettes est une révolution totale pour la lutte contre la contrefaçon" affirme Guy Ciccognani, qui annonce déjà des contrats avec la marque de mode italienne Iceberg et le chausseur Sergio Rossi.
Parrallèlement au secteur du luxe, Lab Id revendique déjà de nombreux clients dans d’autres domaines. La plupart ont achevé les phases de test de production et commercialiseront leurs produits à étiquettes intelligente dans les mois à venir : avant juin, Parmigiano Reggiano va utiliser le RFID pour suivre la logistique et le vieillissement de son fromage. Le fabricant de serrures italien Cisa va, quant à lui, proposer des systèmes de sécurité qui reconnaissent les employés et leur permettent d’accéder à ses locaux. Lab Id annonce aussi avoir développé un système similaire pour l’authentification des employés de la banque italienne Unicredito.
"Nous ne pouvons pas en parler en détail, mais un grand groupe d’électroménager italien va annoncer le 4 avril une machine à laver qui lit l’étiquette intelligente du vêtement et choisit le programme, la dose de lessive et l’adoucissant en conséquence", affirme enfin Guy Ceccognani.
Si Lab Id a vu naître quelques concurrents au cours des derniers mois, en Finlande, au Japon et aux Etats-Unis, Guy Ciccognani ne peut s’empêcher d’être très optimiste. Il souhaite d’ailleurs ouvrir en France la première succursale de Lab Id. "Dans le business, beaucoup de gens promettent un avenir grandiose pour les étiquettes intelligentes d’ici trois ou quatre ans. Nous, nous le réalisons maintenant."