La Fédération des scientifiques américains (FAS) a publié, début mars, une étude de son groupe de travail sur les armes biologiques qui démontre que les gaz incapacitants "non létals" que le Pentagone compte utiliser contre l’Irak sont tout ce qu’il y a de plus mortels.
Trois microbiologistes américains ont développé un modèle mathématique démontrant qu’au minimum 9 % d’une population visée par des gaz incapacitants trouverait la mort au cours d’une attaque. Les chercheurs précisent que ce pourcentage correspond à des conditions d’utilisation optimales de ces gaz : cibles "globalement en bonne santé" et émission des gaz "en milieu clos", "brève" et "parfaitement uniforme".
Médicaments militarisés
D’après leurs travaux, la létalité des gaz incapacitants s’élève considérablement dès que les conditions simulées se rapprochent de celles d’un véritable champ d’opération militaire. D’après les docteurs Lynn Klotz, Martin Furmanski et Mark Wheelis, il est impossible de maintenir une concentration uniforme de gaz en terrain découvert. Dans ce cas, la seule manière pour que les gaz incapacitants restent efficaces consiste à "en lâcher suffisamment pour garantir que toute la population visée sera mise hors d’état de nuire", expliquent les scientifiques. En clair, il faudrait larguer beaucoup plus de gaz qu’il n’est théoriquement nécessaire. Ce qui ne manquerait pas de causer encore plus de morts.
Le groupe de travail sur les armes biologiques de la FAS conclut : "Il est évident que les gaz incapacitants sont tout sauf ’non létals’." Le texte de présentation de l’étude précise aussi que les gaz incapacitants menacent d’abord les populations civiles, puisque celles-ci sont plus rarement équipées de masques à gaz que des militaires ou des terroristes.
La FAS est une association de scientifiques créée aux Etats-Unis pendant la guerre froide, pour lutter contre la prolifération des armes de destruction massive.
Le Pentagone s’est ouvert la possibilité d’utiliser des gaz incapacitants lors de l’invasion de l’Irak, comme l’a annoncé le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, lors d’un discours prononcé devant la commission à la Défense de la chambre des représentants, le 5 février dernier à Washington.
Les gaz incapacitants "non-mortels" sont des médicaments "militarisés", tel le fentanyl, un dérivé de la morphine. Ils sont censés anesthésier ou "calmer" leurs cibles. Ces armes biochimiques appartiennent à la même catégorie que celles employées par les forces de l’ordre russe lors de l’assaut des preneurs d’otages tchétchènes au Palais de la Culture à Moscou, le 26 octobre dernier. Un assaut au cours duquel 120 personnes - terroristes et otages - avaient trouvé la mort par asphyxie.
Chemical Incapacitating Weapons Are Not Non-Lethal (rapport de la FAS en pdf):
http://fas.org/bwc/papers/pp_chemic...
"Beware the Siren’s Song: Why "Non-Lethal" Incapacitating Chemical Agents are Lethal (rapport de la FAS en pdf):
http://fas.org/bwc/papers/sirens_so...
Chemical and biological arms control program (FAS):
http://fas.org/bwc
Le Pentagone prêt à utiliser des armes chimiques contre l’Irak (Transfert.net):
http://www.transfert.net/article.ph...