Critiqué par des consommateurs mécontents, le cyber-marchand Pere-Noël.fr a déjà réussi à faire fermer un site qui relayait leur colère. Et s’en prend aujourd’hui au forum du même site qui a migré chez un autre hébergeur. Mais la justice s’en mêle.
Le 29 septembre 2001, le cyber-marchand père-Noel.fr faisait fermer, sous la menace de poursuites pour diffamation, le site defense-consommateur.org. Créé par Franz Molenda, un client de Père Noël, il fédérait les clients mécontents de la société, en vue d’une éventuelle action en justice. Le 1er octobre, Franz Molenda remettait son site en ligne auprès d’un autre hébergeur et sous une forme "allégée". Les commentaires les plus vifs tenus sur père-Noël.fr ayant été "expurgés", comme le demandait le marchand. Le site defense-consommateurs.org se présente, aujourd’hui, comme un portail de conseils à destination des cyber-consommateurs. Seulement voilà : sur le forum, il est toujours question de l’entreprise, et pas de la manière la plus agréable. La société a donc décidé de repartir en croisade pour défendre sa réputation, largement écornée par les milliers de messages de mécontentement qui circulent sur le Réseau.
Sommation sous 24 heures
Le 23 octobre 2001, le nouvel hébergeur de défense-consommateur.org reçoit donc un fax du Père Noël, le mettant en demeure de faire cesser, dans les vingt-quatre heures, "les faits fautifs" commis sur le site. Argumentation : "M. Molenda continue son dénigrement et sa diffamation sous une nouvelle forme via le "forum" actuellement ouvert sur le site que vous hébergez." Le forum était pourtant déjà présent sur l’ex-site de Franz Molenda qui s’étonne : "Le forum est modéré. On invite les participants à ne pas poster d’insultes. Jusqu’à présent nous sommes intervenus deux fois pour des paroles très violentes formulées contre les dirigeants de la société." Le nouvel hébergeur du site, abracadabri.fr, est très au fait de la législation sur les intermédiaires techniques. "Il nous a précisé qu’elle ne prendrait aucune mesure contre le site en l’absence d’une décision judiciaire", assure Franz Molenda. Mais dans sa lettre, Père Noël invoque l’article 14 de la directive européenne sur le commerce électronique qui "fait obligation au prestataire d’un service d’hébergement de prendre toutes mesures appropriées dès lors qu’il est averti du contenu illicite et (ou) préjudiciable d’un site qu’il héberge". En effet, les hébergeurs sont pénalement ou civilement responsables du contenu de leurs services mais seulement "si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, ils n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès à ce contenu". Autrement dit un hébergeur peut refuser de censurer l’accès d’un site en l’absence de la décision d’un juge. Telle est, en effet, la disposition retenue par la loi du 1er août 2000, relative à la liberté de communication et applicable en France, qui a transposé la directive européenne. Omission ou méconnaissance de la législation, père-Noël.fr fait uniquement référence à un article de portée plus générale. Contacté par Transfert, le directeur général de la société, Thomas Chauvet n’a pas souhaité s’exprimer par téléphone, se bornant à évoquer une "affaire bien ennuyeuse".
Un argument politique ?
La société mobilise, depuis plusieurs mois par la direction de la répression des fraudes (DGCCRF). Mais aujourd’hui, il y a plus : la semaine dernière, cette administration a été saisie par le parquet de Saint-...tienne, ville du siège social de l’entreprise, pour enquêter sur l’affaire. Qui, maintenant, intéresse même la classe politique locale. Maurice Vincent, un conseiller municipal de la ville a demandé que la question de subventions versées à la société soit abordée lors du prochain conseil municipal. "L’année dernière, le maire UDF, Michel Thioliere, a fait campagne en partie sur l’argument des nouvelles technologies et du e-commerce. Pere-Noel a servi de caution "netéconomie" au maire. Et comme nous avons connaissance des plaintes à l’encontre de Père-Noël.fr, nous avons décidé de mettre cela sur le tapis", assure Hervé Murat, l’assistant de Maurice Vincent.