Ajoutées à la va-vite dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne les dispositions anti-terroristes du gouvernement ont été approuvées mardi 16 octobre par le Sénat. La procédure employée est pourtant contraire à la jurisprudence
Le ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant a, d’emblée, désamorcé le débat mardi 16 octobre lors de la présentation du texte sur la sécurité quotidienne au Sénat : " J’ai conscience du caractère inhabituel d’un ajout, à ce stade de la procédure législative ", a-t-il déclaré, ajoutant que " à circonstances exceptionnelles, procédure inhabituelle ". Mais ce faisant, il a rappelé à qui ne l’aurait pas remarqué que les 13 amendements anti-terroristes du gouvernement, imposés par " les circonstances ", étaient soumis bien tard aux sénateurs, après un passage du texte devant chacune des deux assemblées. Et surtout, après l’examen du projet de loi par une " commission mixte paritaire " ( CMP). Prévues par la constitution, ces commissions ponctuelles regroupent des sénateurs et des députés qui tentent de se mettre d’accord sur une version du texte satisfaisant tout le monde. Le passage en force des amendements à la LSQ a fait tiquer nombre d’associations en faveur des libertés publiques, et notamment celles qui s’inquiètent du volet nouvelles technologies inclus dans le paquet Jospin. Il a fait aussi grincer des dents certains socialistes dans les couloirs de l’Assemblée qui jugent anticonstitutionnelle l’adjonction de nouvelles dispositions dans le projet de loi.
Accord politique
Au centre de ce débat de forme figure le droit d’amendement du gouvernement. La jurisprudence du Conseil Constitutionnel limite ce droit lorsqu’un texte a fait l’objet d’un examen en commission mixte paritaire. Comme l’explique le constitutionnaliste Jean-Pierre Camby, professeur de droit, dans un article de la Revue de droit public : les décisions du Conseil " ont pour effet d’empêcher le gouvernement d’ajouter en fin de navette parlementaire, des dispositions nouvelles sans que les assemblées n’aient le temps de l’analyse, de la réflexion et de la négociation ". C’est précisément ce manque de débat que les associations ont dénoncé dans le cadre du projet de loi sur la sécurité quotidienne. Conséquence de la jurisprudence : seuls des amendements " en relation directe avec des articles du texte " peuvent être ajoutés. Dans le cas présent, les dispositions introduites au Sénat, tout à fait nouvelles, pourraient difficilement être considérées " en relation directe " avec le reste. Pourtant, le texte devrait être adopté sans grande difficulté car le Conseil Constitutionnel ne se prononce pas sur un texte de sa propre initiative. Hormis Lionel Jospin, Jacques Chirac, Raymond Forni (président de l’Assemblée) et Christian Poncelet (président du Sénat), 60 députés ou 60 sénateurs peuvent saisir l’institution. Or tout le monde, au sein des deux institutions, juge hautement improbable un recours formulé par l’opposition, car elle est d’accord sur le fond du programme anti-terroriste. Une fois de plus, la gauche aura fait passer ce que la droite n’aurait pu elle-même se permettre.
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