La campagne de Lionel Jospin a commencé sur le Net mais à son insu. Orchestré par Démocratie libérale, Bilan-jospin.com descend par avance l’argumentaire du probable candidat aux présidentielles de 2002.
Bilan-Jospin.com existe, on l’a vu. On sait aussi que ce n’est pas le site de campagne du Parti socialiste. Ni celui de Lionel Jospin. Normal, il ne s’est pas (encore) déclaré candidat. C’est le contre-argumentaire de Démocratie libérale sur la Toile. Et à qui doit-on sa mise orbite ? Aux deux jeunes fondateurs de L’agence web, l’Enchanteur, Arnaud Dassier et Bruno Walther. Ils ne manquent pas une occasion de faire parler d’eux dans l’univers virtuel. Leur cheval de bataille, c’est la communication politique sur le Web. Leurs moyens : une petite équipe dynamique de douze personnes. Leurs atouts : de nombreuses connexions dans la sphère politique... Principalement dans les partis de droite. Proches de Démocratie libérale, les deux hommes se servent de la communication politique comme d’un tremplin commercial. Toujours à l’affût d’une bonne idée, l’Enchanteur héberge quelques-uns des sites de Démocratie libérale (groupe-dl.asso.fr, alainmadelin.com, demlib.com) et se vend à qui veut à condition qu’il y ait "un bon coup à faire", assure Arnaud Dassier. Le dernier "coup" en date s’appelle bilan-jospin.com.
Bilan-jospin compilé en 48 heures
Le site s’organise autour de deux menus déroulant. "Le triste bilan" passe en revue un certain nombre de thèmes comme les 35 heures, les dépenses publiques, l’environnement, le chômage, etc., sous le sceau de la critique. Le "qu’a-t-il fait pour vous ?" liste toutes les bonnes raisons selon Démocratie libérale, et par corps de métier, d’être mécontent de l’action du gouvernement. Le tout orné d’un petit "palmarès des promesses non tenues". Un contenu purement politique rédigé par Philippe Crevel, le secrétaire général du groupe DL à l’Assemblée nationale. L’homme avait compilé sa prose par écrit, l’Enchanteur a eu l’idée de la mettre en ligne. "Philippe s’apprêtait à publier un contre-bilan, nous l’avons convaincu de le basculer sur Internet", explique Arnaud Dassier. Très réactif, l’Enchanteur construit le site en 48 heures moyennant une somme de 25 000 francs. À charge ensuite aux petites mains du groupe DL d’en assurer la longévité. Balancé sur la Toile dès le mercredi 10 octobre, le site n’a pas tardé à attirer l’œil des webeux du parti socialiste.
À gauche... on analyse
Si la pratique de la dénonciation de bilan est courante lors des batailles électorales, Anne Catherine Franck, la secrétaire nationale du Parti socialiste, reconnaît la réactivité dont fait preuve Démocratie libérale sur Internet. "Ça ne m’étonne pas de leur part. Ils sont en campagne contre le gouvernement. De plus c’est un petit parti qui met l’essentiel de ses moyens dans ce vecteur de communication qui nécessite peu de frais et de personnel. Cela fait partie de leur stratégie d’appâter les internautes par un contenu qui, sous des allures informatives, n’est rien d’autre que de la propagande d’un style bourgeois", explique-t-elle sans ménagement. Moins réactifs, il est vrai, les socialistes ne privilégient pas la même approche sur Internet et traînent à en faire un véritable moyen de communication. "Nous avons une conception plus globale de notre action. Lors de la campagne présidentielle, la partie web existera mais ce sera une partie comme les autres. Par exemple, le site du parti est en cours de modification. Il va d’ailleurs intégrer une partie du bilan de Lionel Jospin car notre campagne réside aussi dans la crédibilité de ce bilan." Les partis traditionnels n’auraient-ils pas, pour autant, intérêt à être prêt à répondre parfois ponctuellement à la critique avec les mêmes armes ? "Répondre du tac au tac présente un autre travers, celui de faire de la publicité à nos concurrents", avance même un membre de "temps-réels", la section virtuelle du parti socialiste. Celui-ci pointe "le parti pris corporatiste de DL, visible sur son site. Les treize catégories professionnelles figurant dans le menu déroulant représentent exclusivement des professions libérales et de santé. DL montre que son électorat-cible est sociologiquement homogène et restreint".