Le projet de loi sur la sécurité quotidienne, auquel il est prévu d’ajouter, en urgence, un certain nombre d’amendements "anti-terroristes", serait sécuritaire, liberticide et électoraliste. C’est en tout cas ce qu’avancent plusieurs associations et ONG.
La Ligue des droits de l’homme (LDH) se dit "stupéfaite", le Syndicat de la Magistrature "effaré". Nombreuses sont les associations et ONG (organisations non-gouvernementales) dédiées à la défense des droits et libertés qui, depuis l’annonce par Lionel Jospin d’un train de mesures à prendre d’urgence au nom de la lutte anti-terroriste, expriment leurs plus vives inquiétudes. Le Syndicat de la magistrature qualifie ainsi les mesures de "gravement attentatoires aux libertés fondamentales" et met en doute leur efficacité future. Dans un texte élaboré avant que ne soit connue la rédaction exacte des amendements proposés, les magistrats s’inquiétent de voir passer, en France une "législation d’exception, élaborée à la hâte, sous le coup de l’émotion suscitée par les attentats". Avant de rappeler que "la liberté d’aller et venir, le secret de la correspondance, l’inviolabilité du domicile sont les piliers d’une société libre et démocratique". Mêmes craintes à la LDH, dont le communiqué de presse est on ne peut plus explicite : "Le gouvernement perd son sang-froid." L’association rappelle que "les pouvoirs reconnus aux forces de police et à la justice permettent, dès aujourd’hui, de contrôler étroitement les citoyens" et avance que le renforcement des pouvoirs sécuritaires "revient à restreindre un peu plus les libertés individuelles au profit d’une efficacité nullement démontrée". Ainsi, le train de mesures risque surtout d’"amplifier le sentiment d’insécurité" à mesure qu’il pèsera "sur la vie quotidienne de nombreux citoyens, particulièrement sur ceux qui sont déjà l’objet de contrôles répétés en raison de leur apparence et de leur origine".
Du plan "vigi-faciès"...
Les associations anti-racistes soulèvent elles aussi le problème. La CIMADE, association œcuménique créée en 1939 pour venir en aide aux personnes regroupées dans des camps, est l’une des rares associations à être implantées dans les camps de rétention. Depuis l’adoption du plan "Vigipirate renforcé", elle dénombre une augmentation de plus de 30 % des internements, le centre de Vincennes enregistrant à lui tout seul une fréquentation en hausse de 46 %, essentiellement des étrangers originaires des pays du Maghreb. Ce qui fait dire au MRAP qu’il s’agit là d’un plan "vigi-faciès" très clairement connoté, quand bien même les instances gouvernementales affirment éviter l’amalgame terroriste=maghrébin.
...au Net sécuritaire
De son côté, l’association Imaginons un réseau Internet solidaire (IRIS) a publié, mercredi 10 octobre, un communiqué intitulé "Non à la surenchère sécuritaire sur Internet". IRIS, qui avait déjà dénoncé les "atteintes aux libertés individuelles et aux libertés publiques" contenues dans le Projet de loi sur la société de l’information (PLSI), estime qu’"imposer la conservation des données de communication pendant une période pouvant aller jusqu’à un an est une mesure tout à fait liberticide". Interrogé par nos confrères de 01Net, Jean-Christophe Le Toquin, délégué général de l’Association des fournisseurs d’accès (AFA), avançait que la durée de conservation actuelle de trois mois donnait toute satisfaction aux forces de l’ordre, qui effectuent chaque mois quelque 500 demandes de "réquisition". Sur ce sujet, la CNIL avait elle-même appelé le gouvernement à la modération, suivant en cela le Parlement européen qui souligne qu’"en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, toute forme de surveillance électronique générale ou exploratoire pratiquée à grande échelle est interdite". IRIS avance aussi que le volet crypto des amendements présentés en urgence dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne "présente des risques majeurs d’atteinte à la présomption d’innocence", d’autant que l’usage possible de moyens classés "secret défense" pour déchiffrer les messages "ouvre la porte à tous les abus policiers, sans garantie d’encadrement du juge, et sans recours possible dans certains cas". IRIS conclut que "les citoyens ne doivent pas faire les frais de la surenchère sécuritaire pré-électorale à laquelle se livrent des représentants de l’...tat et des partis politiques".