Le fournisseur d’accès ADSL, victime des tarifs d’interconnexion de France Télécom, dépose le bilan. Il compte sur le marché professionnel pour se refaire.
Stop ! Mangoosta ne peut plus continuer son développement dans les conditions actuelles et s’est placé, jeudi 5 juin, sous la protection de la loi pour échapper à ses créanciers. Le tribunal de commerce de Nanterre a accepté le dépôt de bilan du numéro 2 de l’ADSL français et un plan de relance qui vise, avec l’appui de son actionnaire historique Nicom, le retour à l’équilibre à la fin 2002, grâce à un repositionnement sur la marché professionnel. Cette mise en liquidation judiciaire intervient de façon un peu brutale. En effet, l’un des principaux sous-traitants de Mangoosta a refusé de lui accorder un moratoire, alors que tous les autres étaient d’accord pour que Mangoosta règle à l’amiable ses 35 millions de francs de passif.
France Télécom m’a tuer ?
Cette ardoise et le plan de sauvetage en cours symbolisent l’échec de la stratégie initiale du premier opérateur alternatif haut débit français : recruter très vite beaucoup d’abonnés, afin de mettre en place son propre réseau grâce au dégroupage, et cesser de verser des frais d’interconnexion à France Télécom. Selon Pierre Goubet, responsable des relations extérieures avec les fournisseurs et partenaires de Mangoosta, la décision du tribunal entérine une réorientation stratégique, décidée il y a deux mois et demi : "Les actionnaires se sont rendus compte que le marché des particuliers est structurellement déficitaire pour les concurrents de France Télécom. Les conditions de reversement sont absurdes : le tarif que nous payons à France Télécom est le même que celui que Wanadoo propose au détail à ses clients." Même après que France Télécom ait, cette semaine, baissé ses tarifs d’interconnexion (fixés à 186 F par mois pour 512 K), les coûts de remontée du trafic du national vers le régional et de branchement au réseau IP tuent la viabilité de l’offre Mangoosta grand public à 399 F TTC. En traînant des pieds, France Télécom semble avoir réussi à affaiblir sérieusement certains de ses concurrents.
Haro sur le pro
Frédéric Boutissou, directeur marketing et commercial de Mangoosta a toutefois confiance dans la simplicité de son offre à destination des professionnels, PME et professions libérales, mise en place à la mi-mai. Baptisée Présence Internet, elle intègre, en sus de la connexion à 512 ou 1024K, l’installation d’un routeur pour partager et sécuriser la connexion, la gestion d’un nom de domaine et de boîtes email. Dans les semaines à venir, un partenariat avec l’agence de webdesign Ypok devrait permettre de proposer aux entreprises la production de leur site web et, à terme, du référencement. "Nous avons clairement revu nos ambitions à la baisse mais nous pensons que nous pouvons capter un part suffisante des 250 000 abonnés ADSL professionnels que la France comptera à la fin de l’année." S’ils ne sont qu’une centaine à s’être inscrits, depuis mai, les clients Mangoosta pro devraient être moins nombreux mais plus rentables. Par ailleurs, Mangoosta précise que ses 6 000 abonnés particuliers n’ont pas de souci à se faire pour la continuité du service. L’offre existe d’ailleurs toujours, même si la hausse du tarif de 290 à 390 francs en avril dernier ne la rend plus compétitive. Pour arriver à l’équilibre mi-2002, Mangoosta devra d’abord bien se comporter pendant la période d’observation de 4 mois que lui a fixée le tribunal. Pierre Nicolazzi, principal actionnaire, via sa société Nicom, s’est engagé à pourvoir les éventuels besoins de financement, afin que le passif n’augmente pas. En interne, on a engagé des réductions de coûts.
Pas de licenciements
Il n’y a pas de licenciements parmi les 30 employés mais le contrat avec le sous-traitant Teleperformance, qui assurait la vente par téléphone et le support hotline, a été dénoncé en mai. "Ces services sont désormais assurés par une quinzaine de personnes en interne, avec une qualité supérieure et une implication plus grande, mieux adaptée au marché pro", assure Frédéric Boutissou. Pour séduire les entreprises, un campagne de publicité "raisonnable" sera engagée en septembre. Quant au positionnement sur le dégroupage par le développement d’une infrastructure propre, il n’est pas abandonné officiellement mais Mangoosta attendra 2002 pour se décider. "Vous comprendrez que ce n’est pas vraiment notre première priorité à l’heure actuelle", admet Frédéric Boutissou. Effectivement.