AOL et Microsoft : je t’aime, moi non plus...
Les deux géants stoppent la renégociation de leurs accords croisés d’intégration de navigateur et de fourniture d’accès.
C’est beau, deux géants qui se courtisent mais bien triste quand ils n’arrivent pas à conclure... Samedi 16 juin, le couple Microsoft/AOL-Time Warner a mis fin à des discussions entamées il y plusieurs semaines pour négocier et renégocier les nombreux accords croisés les unissant. En jeu : l’intégration par défaut du service d’accès Internet d’AOL dans le futur environnement Windows XP, l’ouverture du réseau de messagerie instantanée du leader AOL à celui de Microsoft, l’utilisation d’Internet Explorer comme navigateur par défaut par AOL et l’intégration du lecteur audio-video Windows Media Player dans le service AOL. Alors que beaucoup des questions principales semblaient réglées, c’est du format vidéo qu’est venue la rupture, selon AOL. En effet, Microsoft compte beaucoup, dans le domaine de la musique, sur son logiciel qui est pourtant loin d’être aussi répandu que celui du leader Real Networks, fourni par défaut à tous les utilisateurs d’AOL. Alors que le fournisseur d’accès semblait disposé à s’ouvrir à Windows Media Player, Microsoft aurait voulu aller encore plus loin et obtenir l’éviction du logiciel Real Player et la remise en cause des accords Real-AOL. "L’enjeu était la détermination de Microsoft à prendre le contrôle des médias numériques sur Internet et nous ne pouvions plier devant cette ambition", a résumé le vice-président d’AOL dans une interview au New York Times. Ce refus a de plus été motivé par la décision de Microsoft d’intégrer le service AOL dans Windows XP, non plus sous la forme d’une icône sur le bureau mais parmi la liste de logiciels accessibles dans le menu de démarrage. Moins prolixe, Microsoft a signifié que la question des players audio-video n’était pas la seule pomme de discorde.
Duo-pole
Comme dans les mariages de grandes familles, les deux promis avaient également commencé à discuter politique, dans le but de rapprocher leurs clans. Campant tous deux sur leur quasi-monopole, Microsoft dans les systèmes d’exploitation, AOL dans la messagerie instantanée, ils voulaient se promettre la bienveillance mutuelle : par contrat, Microsoft se serait engagé à ne pas collaborer avec les anti-trusts pour faire ouvrir le réseau de chat d’AOL, tandis que ce dernier aurait arrêté de dénoncer les pratiques anti-concurrentielles de Microsoft et la trop grande intégration de ses produits dans Windows XP. Redevenus célibataires, les deux colosses doivent décompter les manques à gagner et réapprendre à se débrouiller seul. AOL n’aura pas d’accès aux utilisateurs de Windows XP, que Microsoft équipera par défaut de son offre de fourniture d’accès concurrente, MSN Online. Pendant les négociations, MSN Online avait d’ailleurs lancé une campagne commerciale agressive offrant des réductions de tarifs aux abonnés américains qui passeraient de AOL à Microsoft. De son côté, le géant de Redmond ne pourra proposer ses produits directement aux internautes du réseau de messagerie instantanées AOL et ne remportera pas prématurément le match pour la suprématie des formats de diffusion de la musique en ligne. Séparés d’un commun accord, les amants économiques se sont sagement laissé une porte ouverte et jurent de ne pas sombrer dans la guerre. "Microsoft et AOL doivent collaborer dans un grand nombre de domaines, mais seront dans le même temps en compétition l’un contre l’autre", a résumé sobrement une porte-parole de Microsoft. En économie, le cœur a ses raisons que la raison connaît trop bien.