Salarié de Dell Computer France, Julien vient d’être licencié pour faute grave. Il avait envoyé par erreur un mail contenant une photo "érotique" à une collègue américaine.
"Officiellement, pas de communication. Nous voulons rester discrets ", assène Michel Levy, responsable des ressources humaines de Dell Computer, à Montpellier (Hérault). Et l’on comprend vite pourquoi. Julien, technicien informatique chez Dell Computer à Montpellier, vient d’être licencié pour harcèlement sexuel après avoir envoyé, par erreur, des images de femmes nues à la directrice commerciale de Dell...aux ...tats-Unis. Il a donc décidé de porter l’affaire devant le Conseil des Prud’Hommes de Montpellier pour licenciement abusif.
Une erreur qui coûte cher
Pour l’avocat de Julien, Maître Charles Saliès, il s’agit seulement d’ une " ânerie de collégien qui ne justifie pas un licenciement ". Julien reconnaît avoir envoyé, par la messagerie de l’entreprise une " présentation de photos " qu’il qualifie d’ "humoristiques". " Il ne s’agissait pas de photos pornographiques et des photos comme celles - ci, il en circulait beaucoup dans l’entreprise. Je pensais que ces procédés étaient autorisés ", justifie-il. Son avocat confirme. "C’était une plaisanterie, il y a vraiment pire dans les publicités télévisées ".
Ce mail a pourtant coûté très cher au salarié. Au lieu d’atterrir dans la boîte à courrier du collègue de travail qui le lui avait demandé, le mail s’est malencontreusement retrouvé aux Etats-Unis, dans la messagerie de la directrice commerciale de Dell, Mme Venina. Une simple erreur de frappe... Le collègue s’appelle Jérôme Vennin. Julien avait oublié un malheureux " N " dans l’adresse. Résultat : le logiciel de messagerie a dirigé son mail vers le nom se rapprochant le plus de Venin. Découvrant que son message n’était pas arrivé à bon port, Julien s’est alors empressé de faxer ses excuses à la directrice commerciale. Mais voilà : aux Etats-Unis, tout prend très vite le tour d’un harcèlement sexuel. Et ce quiproquo n’a vraiment amusé personne. Alertée par la direction américaine, la société montpelliéraine a immédiatement convoqué Julien.
Contraire à la déontologie de Dell
Lors de l’entretien, le directeur des ressources humaines (DRH)a reproché à Julien de s’être servi du matériel informatique de l’entreprise à titre personnel. Pour le délégué syndical qui a défendu le salarié lors de cet entretien, "la politique de Dell sur l’envoi d’e-mail à caractère personnel est floue. C’est toléré." L’avocat de Julien confirme : " A ma connaissance, rien n’est précisé dans le règlement intérieur à ce sujet ". Le DRH affirme le contraire. Pour lui, le fait d’avoir utilisé la messagerie de l’entreprise pour diffuser des images, " grossièrement pornographiques, violemment outrageantes, dégradantes et sexistes " est totalement contraire au règlement intérieur et à la déontologie de la Société. L’image de Dell France serait désormais salie aux Etats-Unis. L’entreprise n’a d’ailleurs pas hésité pas à forcer le trait pour accabler l’informaticien :
Julien a découvert dans sa lettre de licenciement qu’il était accusé de " conduite importune de nature sexuelle ". Autrement dit, de harcèlement. C’est cette accusation qu’il a décidé de contester devant le Conseil des Prud’Hommes. Pour son avocat, le harcèlement sexuel n’existe que dans un seul sens : d’un supérieur hiérarchique vers un subordonné. Loin d’être le supérieur de la responsable américaine, Julien rappelle qu’il " n’a jamais eu aucun contact avec cette directrice aux Etats-Unis ". Son avocat épingle " une puritaine " qui n’a pas supporté la vision d’images un peu osées. Si le destinataire avait été un(e) français(e), l’affaire se serait sans doute soldée par un avertissement. Et si le DRH nous a certifié que la procédure de licenciement avait été " traitée en France uniquement ", l’avocat, lui, est convaincu que la décision a été " fermement suggérée par Dell aux Etats-Unis "
Harcèlement ou pas harcèlement ?
"A la moindre bêtise, on est licencié, cela arrange tout le monde " ajoute Julien, qui pense que le traitement qui lui est fait s’inscrit dans une stratégie plus large. : " épuration économique sous la forme de licenciements pour motif personnel ", affirme l’un des connaisseurs du dossier.
Au final, pourtant, l’affaire est moins carrée qu’on pourrait l’imaginer. Répondant à Transfert, le DRH admet qu’il s’agit d ’" un harcèlement sexuel qui n’en serait pas vraiment un " ... Comprenne qui pourra.
" J’étais considéré comme un très bon salarié, j’avais même obtenu une augmentation récemment " dit Julien. Le Conseil de Prud’Hommes se penchera sur son cas mercredi 20 juin, lors de l’audience de conciliation.