Depuis toujours, les Parsis de Bombay font dévorer leurs morts par des vautours. Leur extinction pousse la communauté à adapter ses rites : élevage de rapaces, fours solaires...
Les Parsis forment l’une des minorités de l’Inde. Venus de Perse - d’où leur nom - ils ont conservé depuis le huitième siècle la foi zoroastrienne de leurs ancêtres : culte du feu, temples décorés de taureaux ailés, etc. C’est surtout pour leurs rites funéraires que les Parsis sont connus : ils exposent leurs morts au sein de structures appelées Tours du silence, où le soleil et les becs des vautours accélèrent leur disparition. Mais au fil des ans, ces rapaces - des animaux à dos blanc et long bec - ont quasiment disparu. Les cadavres étaient naguère dévorés en une journée : par absence de prédateurs, le processus exige aujourd’hui un temps si long que la puanteur en devient insupportable. À Bombay, elle contamine une résidence haut de gamme construite près du site funéraire de Doongerwadi.
Les religieux ont la solution
Face au problème, une association de Parsis a choisi la voie la plus radicale : le renoncement à la tradition. Au grand effroi des autorités religieuses, le Disposal of the Dead with Dignity Action Group (DDDAG, le Groupement pour le traitement des morts dans la dignité) prône l’abandon pur et simple des Tours du silence et des vautours. L’inhumation ? La crémation ? À chaque Parsi d’en décider. C’est du côté des religieux que vient paradoxalement la lumière : ils ont décidé de recourir à la science pour sauvegarder la coutume. Première méthode envisagée : des réflecteurs solaires géants. Ils ont été testés, avec succès, sur des chèvres. Concentrant les rayons sur les cadavres, ils en accélèrent la déshydratation - en respectant les préceptes anciens du "Kurshid Nigarashni", l’exposition directe au soleil : "La chaleur ne carbonise pas les corps", affirme le docteur Dhalla, défenseur de la méthode. La température, de l’ordre de 175° C, est suffisante pour hâter le dessèchement des tissus, "et ramène à un laps de cinq ou six jours ce qui prend aujourd’hui six mois". Bref, une solution astucieuse, économique, non dangereuse pour les officiants, dont le seul désavantage est météorologique : durant les pluies de la mousson, son rendement risque d’être faible.
...levage de vautours
Deuxième méthode : la capture, puis l’élevage de vautours. Si le respect de la coutume est ici impeccable, le coût financier d’une telle perfection pèse lourd... Mais les défenseurs d’un tel dépeçage à l’ancienne des cadavres font valoir que les Parsis forment une communauté particulièrement prospère. Ils comptent dans leurs rangs la dynastie des industriels Tata, qui sont un peu à l’Inde ce que les Krupp furent à l’Allemagne. C’est un calcul plus prosaïque qui vient tempérer ce bel enthousiasme : selon les adversaires de l’élevage, un vautour limite sa ration quotidienne de protéines animales à 500 grammes. La mortalité, au sein de la communauté parsi, s’élève à trois décès par jour. Le nettoyage des Tours du silence pourrait donc impliquer un contingent de 200 vautours minimum. Le projet d’élevage tablant sur un cheptel initial de 25 oiseaux, il pourrait s’écouler un temps très long avant le début de la phase opérationnelle. Troisième initiative, relatée par Wired et complémentaire des deux premières : l’installation sur l’une des cinq Tours du silence du site, d’un générateur d’ozone. Mise en œuvre sous la houlette de Mehernosh Behramkamdin, un ingénieur chimiste parsi formé aux ...tats-Unis, la machine produit assez d’ozone pour exterminer les micro organismes responsables des odeurs du charnier. La machine, conclut Wired, "a coûté 30 000 dollars, et est arrivée à temps pour requinquer le moral d’un clergé exaspéré, à qui son rôle de gardien des traditions d’une communauté comptant 55 000 membres à Bombay et 130 000 dans le monde était devenu pesant". Four solaire ou vautour d’élevage, la pérennité de la communauté Parsi passe forcément par cette adaptation. Firoze Kotwal, l’un des huit grands prêtres du culte, l’a remarqué avec à-propos : "Les rites sont importants pour qu’une religion reste vivante."