Adoption d’un projet de loi sur le cadre juridique du e-commerce et vote par le Bundestag de la loi sur la signature électronique. Pendant que le gouvernement allemand se targue d’être l’un des premiers de la classe européenne à adapter les directives de Bruxelles, les milieux économiques allemands dénoncent l’inefficacité du processus.
"Un mélange intelligent de régulation et de liberté." C’est en ces termes satisfaits que Werner Müller, ministre fédéral de l’...conomie, a qualifié le projet de "loi sur le cadre juridique du commerce électronique", adopté en conseil des ministres mercredi 14 février. Selon M. Müller, celui-ci représente une adaptation "nécessaire et urgente" aux normes européennes et devrait apporter une nouvelle "dynamique économique" au commerce électronique, en offrant aux entreprises allemandes du secteur un accès libre aux marchés des pays voisins.
L’objectif du projet de loi, qui reprend les grandes lignes de la directive européenne sur le commerce électronique votée en juin 2000, est effectivement de clarifier et d’harmoniser le cadre juridique pour le moins touffu qui limite jusqu’à présent le commerce transfrontalier par Internet au sein de l’Union Européenne. L’élément central du projet est la reconnaissance du "principe du pays d’origine". En clair, une entreprise opérant en Allemagne et vendant en Europe sera soumise au droit allemand et non aux droits nationaux des pays dans lesquels elle vend ses produits. Selon Gudrun Girnghuber, porte-parole du ministère fédéral de la Justice, ce projet de loi, qui devrait être soumis au vote du Parlement avant la pause estivale, est particulièrement favorable aux entreprises du Net : "Celles-ci n’auront plus à craindre de vendre à l’étranger et de se retrouver confrontés à une avalanche de procès ou de problèmes juridiques." En principe.
Une harmonisation insuffisante et inefficace
Les milieux économiques et les fédérations professionnelles du pays ne sont pas tout à fait de cet avis. "Les entreprises sont déçues par ces nouvelles dispositions", a ainsi déclaré Ludolf von Wartenberg, secrétaire général de la Fédération de l’Industrie allemande (BDI), qui considère que de trop nombreuses exceptions au principe du pays d’origine rendent le projet de loi inefficace.
"La nouvelle loi devrait diminuer le risque des entreprises à se voir pénaliser financièrement pour non-respect d’une législation nationale. Néanmoins, certaines dispositions des droits privés nationaux et, notamment, tout ce qui touche à la protection du consommateur resteront prédominantes sur le droit du pays d’origine de l’entreprise éventuellement mise en cause", explique le Dr. Kai Kuhlmann, du service juridique de l’Union fédérale des entreprises du secteur de l’information, des télécommunications et des nouveaux médias (BITKOM). C’est donc, le plus souvent, le droit local qui devrait continuer à primer sur le droit du pays de l’entreprise. Même mieux protégées, les entreprises ne seront donc pas pour autant à l’abri des procès et litiges. Pour la Fédération allemande des chambres de commerces et d’industrie (DIHT), ceci ne peut que conduire à augmenter les charges qui pèseront sur les entreprises vendant à l’étranger, ainsi qu’à empêcher les PME du secteur de développer leurs activités en Europe.
Maquis législatif
"Admettons-le, la résolution du problème n’est pas entièrement du ressort du gouvernement allemand. C’est aussi un problème général d’harmonisation de l’ensemble des législations européennes, reconnaît le Dr. Kuhlmann. Même au niveau national, nous devons faire face à un véritable maquis juridique. Pour la seule question des informations et mentions légales à diffuser sur un site Internet, le législateur allemand se voit confronté à l’adaptation de près de cinq lois différentes qui abordent toutes le sujet."
En revanche, la loi sur la signature électronique, votée jeudi 15 février par le Bundestag, a été bien plutôt accueillie. Celle-ci règle principalement les modalités techniques (par exemple, le rôle et les devoirs des centres de certification) qui permettront bientôt de passer des contrats commerciaux ou de remplir des formulaires officiels (déclarations d’impôts) via Internet en toute sécurité et avec garantie juridique. Elle devrait entrer en vigueur dès le 1er mai. Mais là aussi, une adaptation des textes de loi existants doit être menée à bien afin que la signature électronique ait la même valeur juridique qu’une signature normale. Une troisième loi, destinée à intégrer la signature électronique dans le droit administratif et commercial allemand, doit donc venir compléter ce dispositif législatif complexe d’ici à l’été prochain.