Un juriste américain soutient que l’expression "Big Brother" est inappropriée pour qualifier les atteintes à la vie privée dans notre société numérique...70 pages d’étude à l’appui.
Médias, associations de défense des libertés civiles, juristes... Tous ont pris l’habitude d’utiliser la locution "Big Brother" (inventée par Georges Orwell dans son roman 1984), pour désigner les atteintes à la vie privée. Employée comme métaphore, l’expression "Big Brother" est devenu, avec le temps, la formule consacrée pour désigner les dérives de la société numérique. Une qualification qui, selon le New York Times, commencerait à faire l’objet de débats.
Orwell ou Kafka, il faut choisir sa référence
Et si Big Brother n’était pas une expression appropriée ? La question intéresse-t-elle quelqu’un ? Contre toute attente : oui. Un jeune professeur de l’université de droit du New Jersey s’est même penché sur la question. Daniel Solove, 28 ans, a pondu plus de 70 pages d’analyse sur le thème et espère bien faire publier un jour son étude* dans une importante revue juridique. En attendant, ses conclusions ont déjà reçu le soutien de Jack Balkin, professeur de droit de la prestigieuse université de Yale. Pour Daniel Solove, si "Big Brother" dépeint les effets de la surveillance permanente qui pousse les citoyens à l’autocensure, Le procès de Franz Kafka est, lui, plus adapté à notre société numérique. Argument : dans Le procès, l’auteur décrit la perte de contrôle de l’individu sur ses données personnelles et le contrôle exercé par une obscure administration. "Une situation bien proche du sentiment d’impuissance face à la gestion de nos données personnelles par l’informatique" explique, le juriste. Qui soutient : "Les métaphores littéraires que nous choisissons d’employer ont un effet direct sur la manière dont nous percevons les problèmes de notre société et les solutions à y apporter." À ce propos, Daniel Solove suggère quelques voies à suivre. "Adopter des lois pour protéger les données confidentielles c’est bien, mais souvent ces mêmes lois sont inefficaces dans le cyberespace. Les lois fédérales devraient chercher davantage à trier les informations devant êtres collectés et celles qui ne peuvent pas l’être, chercher à sécuriser les données et limiter les transferts successifs de fichiers." D’accord, mais en attendant que dit-on ? "Kafka is watching you" ?
Privacy and power : Computer databases and Metaphors for information privacy