Médiabarre, première start-up française à avoir proposé du surf rémunéré, réoriente sa stratégie. Après les problèmes rencontrés par le pionnier américain Alladvantage, les start-ups françaises traversent une crise qui pourrait signifier l’échec du modèle.
Le concept du surf rémunéré serait-il mauvais ? La rumeur courait sur le dépôt de bilan imminent de Médiabarre. La direction récuse l’information. "Nous changeons seulement de stratégie, indique Ludovic d’Alauzier, directeur général adjoint de la société. Gérard Guénebaut, fondateur de Médiabarre qui avait quitté en juillet dernier son poste de président, renoue aujourd’hui avec cette fonction pour développer de nouveaux services, notamment pour revenir à la notion de communauté virtuelle." Un changement de stratégie qui témoigne des problèmes rencontrés par le modèle, dont bruissent les forums spécialisés. Sur celui de Topsurf, "le portail français du surf rémunéré", on y apprend par exemple que Surfismoney, une autre start-up française de surf rémunéré, n’est finalement pas morte, alors que des adhérents soutenaient le contraire quelques jours plus tôt... "Plus généralement, les discussions sur les forums tournent autour des chèques non reçus ou des barres de publicité qui ne fonctionnent jamais", résume Jean-Philippe Kafprzak, un internaute qui utilise la trentaine de sites consacrés au surf rémunéré.
"Au départ, le surf rémunéré paraissait un concept génial, s’exclame Attila Altan, webmaster de picsou.net, un site portail dédié au sujet. L’idée de payer les internautes pour surfer était vraiment alléchante. J’ai moi-même été séduit." Le modèle repose en effet sur un principe qui semble avantageux pour l’internaute : il n’a qu’à accepter l’affichage d’un bandeau publicitaire pour recevoir un chèque. Et s’il "parraine" des amis, sa rémunération augmente. "Ce modèle fut à la mode en 1999-2000, note Attila Altan. Aujourd’hui, c’est fini." Les plafonds introduits petit à petit par chaque société, pour limiter les heures de surf rémunéré, n’ont pas suffit.
Pas assez d’annonceurs
Le pionnier américain Alladvantage fut le premier à subir les revers d’un modèle peut-être trop attractif. En juin 2000, la société arrêtait son offre de rémunération fixe à 50 cents (un peu plus de 3 F) par heure de connexion. En novembre, elle réduisait ses effectifs de 40 %. "Si le surf rémunéré est aujourd’hui quasi-mourant, c’est parce qu’on a copié la stratégie d’Alladvantage, analyse Attila Altan. Cette société a proposé des rémunérations exorbitantes, sans pour autant avoir la garantie d’être financée par la publicité."
Le surf rémunéré, destiné à attirer surfers et annonceurs, a en réalité rencontré un succès bien plus important chez la première cible. "Les annonceurs se sont vite aperçus que les taux de retour sur les clics étaient faibles", note Anne Kappelhoff, netéconomiste à l’atelier.fr, la cellule de veille technologique de BNP-Paribas.
La crise de la publicité sur Internet se faisant de plus en plus aiguë au cours des derniers mois, certaines sociétés ont essayé de ruser. Médiabarre a ainsi proposé une rémunération par pub vue et non pas un taux fixe à l’heure. "Compte tenu du désintérêt croissant des annonceurs, résume Anne Kappelhoff, autant dire que Médiabarre ne rémunérait plus ses internautes." La start-up reconnait avoir suspendu les paiements en novembre-décembre 2000, mais précise que cela devrait repartir "dans quelques semaines". Des sites concurrents comme Winbe ont choisi dès le départ d’offrir des services internautes pour ne pas dépendre à 100 % de la publicité. "Nous avons décidé de nous associer à de grands sites d’e-commerce pour proposer des partenariats, explique Hamida Benmoulay, directeur de la communication de Winbe. Grâce à eux, nous fidélisons les Internautes. Et puis, notre barre de navigation sert avant tout de support d’information. Elle ne contient pas que de la pub."
Trouver des niches
Alors, le modèle serait-il viable malgré tout ? "Tel que nous l’appliquons, il l’est", assure Hamida Benmoulay. Pourtant, surfeur invétéré, Jean-Philippe Kafprzak affirme ne jamais avoir reçu un seul chèque de Winbe. "Pour obtenir de l’argent des sociétés françaises, il faut sans arrêt les relancer par mail ou les mettre en demeure", confie-t-il. "De toute façon, ce que propose Winbe, ce n’est plus du surf rémunéré, lance Attila Altan. C’est autre chose : du marketing permissif, du marketing viral, du panelling."
Ce n’est peut-être plus du surf rémunéré, mais c’est en tout cas à ce schéma que se raccrochent aujourd’hui la plupart des sites. Ainsi Ludovic d’Alauzier annonce de nombreux services à venir chez Médiabarre. Car, reconnaît-il, "il est actuellement très difficile de vivre uniquement du surf rémunéré". De même Alladvantage avait modifié ses activités en lançant en octobre dernier une loterie quotidienne, à laquelle participaient automatiquement les abonnés au service. Avant de cesser définitivement toute activité. "Aux ...tats-Unis, on trouve encore une demi-douzaine de boîtes qui payent, indique Attila Altan. La plupart y parviennent uniquement parce qu’elles ont trouvé des niches, par exemple le paiement sous forme d’actions de sociétés américaines, ou l’utilisation de la barre de pub pour réaliser des sondages. Mais elles ne proposent pas des rémunérations aussi importantes qu’aux débuts du surf rémunéré. L’âge d’or du modèle est bel et bien terminé." Un âge d’or qui, en France, n’aura duré que quelques mois.