 DR/montage:PP/Transfert |
Alors que la commission temporaire du Parlement européen entamait jeudi 13 octobre, ses auditions sur Echelon, le fameux programme espion anglo-saxon (voir Echelon is watching you), le député (UDF) du Var Arthur Paecht rendait, la veille, un rapport portant sur les "
systèmes de surveillance et d’interception électronique pouvant mettre en cause la sécurité nationale". Au nom de la commission de la Défense et des forces armées.
Petits meurtres entre amis
Au premier rang de ceux-ci se trouve Echelon, le système espion Américain. Echelon surveille tout : les communications téléphoniques, les fax et les communications électroniques, celles qui transitent par ondes radio, voie hertzienne, satellite, câbles, fibres optiques, sans oublier, bien sûr, les réseaux informatiques. Echelon est une créature de la guerre froide : il est né du pacte UKUSA (réunissant les ...tats-Unis et l’Angleterre) pour espionner le bloc de l’Est. Mais il aurait été détourné de sa finalité première avant même la chute du mur de Berlin, pour être "orienté à d’autres fins, y compris de renseignement économique, voire utilisé avec des objectifs politiques entre Alliés". Ainsi le décrit le rapport Paecht, qui traite cette association de "coopérative inégalitaire". Pourquoi ? Parce que le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont rejoint, depuis, le pacte anglo-américain, et s’y trouvent dans "une situation d’associés plus que de partenaires". Car la National Security Agency (NSA) américaine centralisant toutes les informations collectées par Echelon, ne les redistribue que de façon sélective et en fonction des seuls intérêts de l’Oncle Sam. La Nouvelle-Zélande se serait ainsi trouvée fort dépourvue d’informations, marginalisée et mise à l’amende lorsqu’elle refusa aux porte-avions américains d’accoster dans ses ports.
Un système obsolète...
Echelon a de l’estomac. Il serait, dit le rapport de l’Assemblée, capable d’intercepter plus de 4,3 milliards de messages par jour. Mais au rythme des échanges - 10 milliards par jour à la fin de cette année, selon une étude américaine - il devrait être rapidement dépassé par les événements. D’ailleurs, certains spécialistes avancent que les médias auraient surestimé les capacités d’Echelon : l’espion ne serait "plus en mesure de traiter la masse d’informations recueillies et l’ensemble des messages cryptés à analyser, même si les écoutes ont été ciblées (5000 en France, par exemple) et des tris opérés au préalable", affirme le rapport des députés. Sa conclusion : "les performances ont atteint leurs limites, non seulement parce que les moyens engagés ne sont plus en rapport avec l’explosion des communications dans le monde, mais aussi parce que certaines cibles ont appris à se protéger des interceptions."
...ou presque
Mais Echelon fait de la résistance active. L’Allemagne, partenaire privilégié de la France, accueille gracieusement l’une de ses stations d’écoute à Bad Aibling (Bavière), et "plusieurs indices semblent inciter à croire qu’un nouveau système s’est constitué pour dépasser les limites d’Echelon grâce à de nouveaux moyens et sans doute de nouveaux partenariats"... Ce qui fait dire à Arthur Paecht que le système espion peut "constituer un danger pour les libertés publiques et individuelles" et qu’il convient d’appliquer "un principe général de précaution". Dans ce but, il aligne donc les propositions. D’abord informer largement des risques potentiels d’un tel outil. Ensuite développer la formation des responsables de la sécurité informatique, ainsi que la production de logiciels sûrs (nationaux et, "à court terme", européens, le secteur étant dominé par les Américains). Enfin, libéraliser totalement les programmes de cryptographie. Au début mois d’octobre, Lionel Jospin avait lui-même rappelé que cette décision, annoncée l’an dernier, était bien maintenue à l’ordre du jour.
Pour en finir, Arthur Paecht réclame que les "citoyens européens disposent face à Echelon de la même protection que les citoyens américains". Aux ...tats-Unis , le quatrième amendement de la Constitution établit en effet "le droit pour le peuple d’être protégé contre des perquisitions et des saisies déraisonnables". Une protection urgente. Car, comme l’écrit le député du Var, "les particuliers sont les premières victimes des atteintes aux libertés publiques".