Jean-Yves Le Déaut est député de Meurthe-et-Moselle et futur candidat à la mairie de Nancy, ville d’attache de l’AFUL, l’Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres. Doit-on y voir la cause de sa proposition de loi sur l’usage des logiciels dans l’administration ? Interview.
Jean-Yves Le Déaut ne dément pas cultiver ses réseaux. Même s’il affirme avoir mûri sa reflexion sur les programmes informatiques au sein de l’office parlementaire des choix scientifiques, dont il est président. Biologiste de formation et breton d’origine, il a repris à son compte la proposition de René Trégouet (sénateur RPR) visant à imposer les logiciels libres dans l’administration. Les motifs sont les mêmes : affranchir l’...tat des menaces que font peser sur sa sécurité des logiciels dont le code source n’est pas accessible, et éviter que les fichiers ne soient plus lisibles dans 50 ans, faute de logiciel adéquat. En revanche, la tactique change. Epaulé par trois autres députés PS (Pierre Cohen, Christian Paul et Patrick Bloche), Le Déaut souhaite imposer que les services administratifs aient accès au code source des logiciels qu’ils utilisent, et non les obliger à adopter des programmes "libres". À charge pour les éditeurs d’adapter leur politique. "On ne peut pas attaquer de manière aussi frontale que l’ont fait les sénateurs, précise-t-il, sous peine de se faire refuser le texte par le conseil d’...tat." La loi, en effet, ne peut imposer à l’administration un type de logiciel. L’ex-prof d’université, détaché de l’enseignement depuis deux ans pour cause de mandats électifs trop prenants, a tenu à inclure dans sa proposition de loi un rappel du droit à développer des programmes compatibles avec d’autres logiciels. "Nous voulons graver dans le marbre ce droit que certains tribunaux tendent à oublier", justifie le député socialiste qui s’est déjà prononcé contre la brevetabilité des gènes. Fils d’agriculteurs, Jean-Yves Le Déaut est un costaud aux épaules larges et au front combattif. On ne doute pas qu’il saura défendre son texte. S’il parvient - comme il le souhaite - à le caser dans l’ordre du jour de l’assemblée.
Interview
Vous prétendez que votre texte, qui prône
la publication des codes source, favorise indirectement l’essor du logiciel libre.
De quelle façon ?
D’abord, nous faisons pression sur les grands éditeurs pour qu’ils changent de stratégie en leur imposant
l’ouverture du code source. Ces logiciels proprétaires cohabiteront ainsi avec des logiciels libres.
Si les services publics utilisent des programmes libres rendus aussi performants et conviviaux que les softwares propriétaires, je ne vois pas pourquoi les gens ne se tourneraient pas vers le libre.
Vous n’êtes pas maîtres de l’ordre du jour de l’assemblée. Votre proposition a t-elle une chance d’être un jour discutée ?
Nous souhaitons initier le débat. Je sais d’expérience que les propositions de loi qui ont donné lieu à une discussion préalable ont beaucoup plus de chances
de passer. Ce qui pourrait arriver si nous trouvons
une niche parlementaire pour ce texte.
Sinon, nous essaierons de l’inclure dans la future loi sur la société de l’information.
Et si votre loi ne passe jamais à l’assemblée ?
C’est déjà beaucoup. Parce que ces discussions
ont des répercussions ailleurs. Certes ce n’est pas
une proposition nationale qui va faire changer
les choses. Mais c’est comme pour les OGM,
il faut bien lancer le débat. D’ailleurs, j’ai appris
que des parlementaires danois s’apprêtaient
à reprendre ma proposition chez eux.