La capitale du Cameroun accueille jusqu’à dimanche la première édition de "Net Com 2001", un salon de professionnels africains des nouvelles technologies. But : démontrer les opportunités de développement que représente Internet pour le continent.
 Julien Chambaud |
Dimanche 11 février se déroule à Yaoundé la Fête annuelle de la jeunesse. Pendant tout le week-end, des concerts et des fêtes vont avoir lieu dans la capitale du Cameroun, ainsi qu’un peu partout dans le pays. La chambre de commerce du Cameroun a choisi cette occasion pour organiser la première édition de "Net Com 2001", un colloque qui réunira du 9 au 13 février quelques centaines de professionnels des nouvelles technologies de l’informatique et des communications (NTIC). ...quipement informatique, téléphonie mobile, Internet, transmission de données par satellite : la manifestation, d’accès gratuit, propose une centaine de stands où le public pourra mieux comprendre l’utilité des nouvelles technologies. Des débats, dont une synthèse doit être mise en ligne à la fin du colloque, mettront face à face les spécialistes locaux du secteur et les pouvoirs publics. Principal thème abordé : "
Ce qu’il faut attendre des nouvelles technologies. Accès à l’information, accès au savoir, ouverture au monde, courrier, compétitivité, réactivité, formation." Pas moins.
Défiscalisation des ordinateurs pendant la Fête
C’est peu dire que l’Afrique (et en particulier l’Afrique centrale) connaît un retard important dans l’accès aux nouvelles technologies. Les estimations les plus généreuses évaluent à trois millions le nombre d’internautes africains, contre environ sept millions rien qu’en France. Et encore : le poids de l’Afrique du Sud et des pays du Maghreb au sein de cette population en ligne est très important. Ouvrir une discussion sur les nouvelles technologies peut "commencer à renverser la vapeur", assure Pierre Bouapda, qui dirige le comité d’organisation de Net Com 2001. Ce consultant camerounais spécialisé dans les télécommunications explique : "Nous voulons faire découvrir Internet au grand public, et sensibiliser les chefs d’entreprises et les responsables de l’administration aux opportunités de développement que représentent les NTIC." Pour Pierre Bouapda, ce sont avant tout les problèmes financiers qui freinent l’implantation d’Internet en Afrique. Un ordinateur demeure un outil inabordable, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour les petites entreprises et les coopératives agricoles : "À l’exception notable du Sénégal et du Maroc, la TVA sur l’informatique est à 33 % dans la plupart des pays africains", explique Bouapda. La chambre de commerce du Cameroun a convaincu l’...tat de défiscaliser les ordinateurs... mais seulement pendant la durée de la Fête de la Jeunesse. À titre symbolique. "C’est un préalable aux préalables", plaisante Pierre Bouapda.
Hypothétique courrier
Si les NTIC tardent à prendre leur essor, c’est aussi à cause de la médiocrité des infrastructures de télécommunications. François Daniel, directeur régional de Mobilis (une filiale africaine d’Itinéris) témoigne : "Dans mon bureau, je n’arrive à me connecter à Internet qu’au bout d’une quinzaine de tentatives en moyenne." Les centraux téléphoniques de Yaoundé ou de Douala (la capitale économique) sont anciens et saturés. "Un particulier doit compter au moins un an pour se faire ouvrir une ligne téléphonique traditionnelle, explique François Daniel. Au Cameroun, même en zone urbaine, on est loin, très loin de pouvoir proposer des services performants, type e-commerce." Dans de telles conditions, comment Internet peut-il aider au développement de l’Afrique ? Sans rêver de connexions à haut débit, la simple arrivée de la messagerie électronique dans les régions enclavées permettrait de contourner "les difficultés posées par le mauvais état des réseaux routier et le mauvais fonctionnement de la poste", espère Pierre Bouapda. François Daniel, de Mobilis, raconte : "Aujourd’hui, si une coopérative agricole du nord du Cameroun veut se tenir au courant des cours du coton pour savoir à quel moment elle a intérêt à vendre, elle doit attendre l’arrivée d’un hypothétique courrier. En général, elle peut attendre longtemps."
Doutes sur l’ouverture d’esprit des politiques africains
Mais les intervenants de Net Com 2001 n’auront pas seulement à parler gros sous et infrastructures. Le docteur Wawa Ngenge est le représentant camerounais de l’Internet Society. Cet économiste spécialisé dans les questions agricoles est également membre du réseau de développement durable du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement). Il explique : "Nous voulons introduire Internet dans les écoles, favoriser l’émergence de sites locaux et pas en langue européenne. Mais les compétences techniques manquent encore pour atteindre ces objectifs." Il faut donc pousser les pouvoirs publics à ouvrir le chantier de la formation aux NTIC. Mais Wawa Ngenge émet de sérieux doutes quant à l’ouverture d’esprit de la plupart des hommes politiques africains vis-à-vis d’Internet. Il affirme : "Les décideurs politiques voient dans les nouvelles technologies et dans le libre accès à l’information qu’elles permettent, une entrave à leur capacité à capturer et à conserver le pouvoir."