La société américaine cherche à savoir si, selon le droit américain, elle peut se conformer à la décision du juge Gomez. Explications de son avocat français, Christophe Pecnard.
Jeudi 21 décembre, yahoo.com a décidé de recourir à l’avis d’un juge américain pour qu’il se prononce sur la validité de la décision du juge Jean-Jacques Gomez. Le 20 novembre, le juge français a donné trois mois à la compagnie américaine pour mettre en place des procédés de filtrage pour empêcher les internautes français d’avoir accès à ses enchères nazies. Un jugement intervenu après des mois de procédures et de conciliabules techniques (lire dossier Yahoo !). Explications de Christophe Pecnard, l’avocat de Yahoo Inc. en France.
Quand Yahoo Inc a-t-elle pris la décision de recourir à un juge américain et pourquoi ?
La décision a été prise aux ...tats-Unis et engagée par le cabinet d’avocat américain Cooley & Godward qui conseille Yahoo Inc depuis le début. J’en ai été averti aussitôt. Le juge français demande à Yahoo ! de prendre des mesures techniques importantes. Le recours déposé devant la cour de San José (Californie, lieu du siège de la maison mère) a pour but d’obtenir un "jugement déclaratoire" qui permettra de dire si Yahoo !, au regard du droit américain, peut se conformer aux demandes de la justice française. C’est une espèce d’anticipation faite par Yahoo Inc car les implications de cette affaire sur le plan juridique nous paraissent importantes.
Cette procédure a-t-elle pour but d’essayer d’obtenir une réponse du droit américain avant que le délai donné par le juge Gomez à Yahoo ! n’expire ?
Il ne s’agit pas d’une course contre la montre. L’avis du juge américain interviendra sans doute après février, donc après le délai accordé à Yahoo ! par la justice française. Cette procédure relève surtout de deux préoccupations qui sont les nôtres depuis le début. D’une part, ce débat dépasse le simple cadre juridique, il induit des conséquences sur le fonctionnement même du Réseau. Dans ce cadre, la procédure aux ...tats-Unis nous permet de prolonger le débat juridique. D’autre part, un procès ne peut constituer la seule réponse aux aspects moraux et politiques que soulève cette affaire.
Cet intérêt pour les questions morales et politiques signifie-t-il que Yahoo ! envisage de mettre en place les mesures de filtrage ordonnées par le juge ?
Rien n’est exclu. La réflexion n’est pas terminée, elle continue au sein de Yahoo Inc, mais je ne suis pas en mesure de donner de plus amples précisions.
Si, une fois le délai de trois mois écoulé, Yahoo ! ne s’est pas conformée à l’ordonnance du juge Gomez, qu’est-ce qui oblige la firme américaine à verser l’astreinte de 100 000 francs par jours aux associations ?
Il peut se passer beaucoup de choses d’ici là. En droit, si Yahoo ! est condamné à payer cette astreinte, cela voudrait dire qu’elle n’aura pas exécuté les mesures qui lui sont ordonnées. Mais je ne pense pas qu’on en arrivera là. Dans le cas contraire, les associations devront demander l’exécution (execature) du jugement pour faire liquider l’astreinte.
Avez-vous l’intention de faire appel en France ?
Aucune décision n’a été prise sur ce point, nous disposons encore de temps devant nous.