Durant leurs campagnes, ils ont tenu sur les nouvelles technologies des discours discrets et quasi-identiques. Bush et Gore, égaux devant le Web ? Quel que soit le vainqueur, il y a aura toujours loin d’une communication électorale à un vrai programme de gouvernement. Anticipation.
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Sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), la politique promise par les deux finalistes de la course à la Maison Blanche divergeait-elle vraiment ? "
Bush et Gore ? Ce sont Tweedledum et Tweedledigital !", répond Jeff Chester, président du Center for Media Education, cité par Cnet. Bref, les deux candidats ont été en la matière aussi indifférentiables que les jumeaux d’Alice au pays des merveilles. Les "bonnet blanc et blanc bonnet" du numérique : "
Ils s’en font davantage pour la monnaie que pour les octets", ajoute Chester. Pense-t-il à ces fonds versés - d’ailleurs équitablement - à leurs deux états-majors par une
Tech Industry aussi soucieuse de s’attirer leurs bonnes grâces que de ne pas figurer sur le devant de la scène ? Durant toute cette campagne, dernières longueurs comprises, les nouvelles technologies ont été les grandes absentes. Plus fort, dans les programmes des deux rivaux, il faut fouiller attentivement pour dénicher des différences - qui relèveront plus souvent de questions de procédure que de pure idéologie.
En la matière pourtant, les premières décisions que le nouveau président va devoir prendre seront lourdes de conséquences. En nommant trois des juges de la Cour Suprême, celui qui sera pour quatre ans au moins l’un des hommes les plus puissants du monde contribuera à déterminer le nouvel environnement juridique des NTIC. De même, son choix des responsables de trois instances fédérales ayant affaire au Net - ministère de la Justice, FCC (Federal Communication Commission), FTC (Federal Trade Commission, chargée du commerce) - sera tout aussi crucial. Plus directement, l’hôte de la Maison Blanche donnera le ton sur des sujets aussi sensibles que la loi anti-trusts (illustrée par le procès Microsoft), l’assouplissement des quotas d’immigration pour les informaticiens, la taxation du commerce électronique, le cryptage et la protection de la vie privée. Point par point, voici donc à quoi les nouvelles technologies peuvent s’attendre.
LOI ANTI-TRUSTS
Sur la sellette, Microsoft. En son temps, l’administration du républicain Reagan avait décidé d’abandonner des poursuites similaires contre un autre géant, IBM. Le précédent pèsera-t-il pour les équipes de George W. Bush jr. ? "Elles vont nous doter d’un appareil légal plus flexible, plus sensible aux besoins du marché, et mieux adapté à ce segment économique en pleine évolution", remarque dans les pages de Wired Aaron Lukas, analyste des technologies au Cato Institute. "Le secteur des nouvelles technologies bouillonne. Il exige que Washington ne tente pas de le manipuler. Et Bush aura moins tendance à vouloir y toucher." Durant sa campagne, les critiques du champion du camp républicain à l’égard de l’action intentée contre Microsoft par l’administration Clinton sont restées modérées. Et Bush a toujours affirmé qu’il préférait "l’innovation à la judiciarisation". Selon William Kovacic, de la George Washington University, l’élection de Bush induirait "la réduction des investissements fédéraux dévolus à la lutte contre les inconduites des monopoles".
CONTINGENTEMENT DE L’IMMIGRATION
Comme Al Gore, George W. Bush jr. s’est dit très favorable à une modification des quotas d’immigration. Pour 2000, et concernant l’informatique, ceux-ci sont fixés à 115 000 travailleurs qualifiés. L’idée serait de hisser la barre à 200 000 - et de la laisser à cette hauteur au long des années à venir. En effet, le plafond doit redescendre à 107 500 personnes en 2001 et 65 000 en 2002. Là ou Gore, dans le droit fil de la doctrine Clinton, demandait que cet assouplissement des quotas s’accompagne de la régularisation du statut des Hispaniques entrés clandestinement sur le territoire des ...tats-Unis depuis 1986, Bush se dispense de cette clause.
TAXATION DU COMMERCE ELECTRONIQUE
Sur ce point encore, les deux finalistes ont parlé d’une même voix : pas question de remettre en cause le moratoire sur l’imposition sélective de l’Internet. Mais Bush va plus loin. Il souhaite appuyer les efforts du Congrès tendant à prolonger ce moratoire jusqu’à 2004 au moins.
CRYPTAGE ET PROTECTION DE LA VIE PRIV...E
Dès 1999, celui qui n’était encore qu’un prétendant parmi d’autres à la présidence des ...tats-Unis attaquait le vice-président en poste sur le chapitre épineux de l’exportation des logiciels de cryptographie. Il reprochait à l’administration Clinton de pénaliser les entreprises américaines par un jeu de restrictions qui ne servaient même pas la sécurité nationale. "Les meilleures de nos sociétés se sont senties frustrées de ne pouvoir vendre certains de leurs produits à l’export - alors que des technologies analogues étaient proposées par leurs concurrents étrangers", déclarait à Phœnix le candidat Bush. Depuis, l’administration Clinton a assoupli ces contrôles - avec, a ricané l’état-major de campagne de Bush, "sept ans et demi de retard". S’il est fidèle a ses engagements, ce dernier limitera les restrictions aux logiciels relevant de la "stricte technologie militaire".
Dans le domaine de la protection de la vie privée, la FTC (Commission fédérale au commerce) s’est placée depuis quatre ans aux avant-postes de la lutte. Selon Marc Rotenberg, directeur de l’Electronic Privacy Information Center (EPIC), le rapport de force ne devrait pas se modifier sensiblement - à moins que Bush ne décide de nommer à la tête de la FTC Orson Swindle, l’un de ses actuels commissaires : Swindle a affirmé voici quelques mois que la FTC devait se garder d’exiger du Congrès des réglementations supplémentaires protégeant la vie privée. Mais, comme le remarque Rotenberg, le premier souci d’un nouveau président serait-t-il de se lancer dans un combat aussi douteux ?
Au fil de sa campagne, Bush a rarement laissé passer l’occasion de rappeler que le Texas, son ...tat, tient le premier rang au niveau national pour la croissance de l’exportation de produits high-tech et ne le cède qu’à la Californie sur celui de l’emploi dans ce secteur. Il a invoqué pour expliquer ces performances ses propres efforts de libéralisation. Comme ses mesures d’incitation à la recherche et au développement. Ou son allègement de la fiscalité sur l’accès à l’Internet et le traitement de données. Mais, depuis le Bureau Ovale, ce qui était hier la partie la plus discrète d’une communication électorale ne sera pas forcément aisé à transformer en programme de gouvernement.